Aux États-Unis, la tentation de l’obsession antimusulmane

Article publié dans "Rue 89", le 5.07.11

« Defend Muslims, defend America » : ce titre du New York Times daté du 19 juin est à double sens. Il évoque à la fois le respect des valeurs fondatrices américaines et la sécurité du pays face au terrorisme islamiste. Selon le quotidien, l’obsession antimusulmane de certains politiciens et groupes de pensée est en train de faire de gros dégâts outre-Atlantique, offrant une seconde vie à la théorie du choc des civilisations.

Le 11-Septembre avait inauguré une vague islamophobe qui était retombée avant de repartir de plus belle avec, dans l’ordre :

  • l’élection de Barack Obama – dont un quart des Américains continuent de penser qu’il est musulman – ;
  • l’essor des Tea Party et autres mouvances extrémistes de droite – qui, en France, auraient déjà été moult fois poursuivis au titre de la loi Pleven – ;
  • la perspective de construction d’une mosquée – en fait, un centre culturel musulman – près de Ground Zero ;
  • les révolutions arabes, parfois perçues comme les prémisses à un succès planétaire de l’islamisme. La peur de nouveaux attentats sur le sol américain se nourrit de la « nécessité » de désigner un nouvel ennemi intérieur.

Le référendum de novembre 2010 établissant l’interdiction de toute référence à la charia dans la Constitution de l’Etat d’Oklahoma en est une bonne illustration : initié par Brigitte Gabriel, la fondatrice du think tank nationaliste Act ! for America, il avait récolté 70% de « oui ».

L’article du New York Times nous apprend que six Etats fédérés seraient en train de discuter de lois similaires, et que quatorze autres souhaiteraient plus largement interdire les « lois étrangères » sur leur territoire.

Les kamikazes du 11-Septembre, des musulmans intégrés

La menace est-elle fondée ? En aucune façon. Contrairement à ce que pense, par exemple, Liberty Central, l’un des think tanks des Tea Party, aucun Etat américain n’est susceptible de se voir imposer les principes de l’islam dans ses textes de loi. Mais la peur de la menace, elle, est bien réelle et a de lourdes conséquences.

Pour le quotidien new-yorkais, l’amalgame entre islam et islamisme :

  • a fait repartir à la hausse les discriminations à l’embauche à l’égard des musulmans (réels ou supposés) ;
  • a banalisé l’idée que ces derniers sont des citoyens de seconde zone ;
  • va à l’encontre du premier amendement de la Constitution américaine qui garantit la liberté religieuse.

Plus : cette confusion serait même contreproductive pour ses initiateurs, dans la mesure où elle dissuaderait les musulmans d’Amérique de participer à l’effort de sécurité nationale.

Or c’est précisément ce que leur reprochent des leaders politiques comme le républicain très controversé Peter King. Après tout, dit une partie de l’aile droite du Grand Old Party, les musulmans n’ont-ils pas pour projet d’infiltrer la nation et les institutions américaines, afin d’en détruire les fondements, puis d’en prendre le contrôle ?

Du reste, les kamikazes du 11-Septembre étaient des immigrés intégrés mais restés longtemps dans l’ombre… Qu’est-ce qui prouve qu’il n’y en a pas d’autres, prêts à faire exploser de nouvelles bombes ?

Lire la suite sur le site de « Rue 89 ».