Cessez de marginaliser le sport féminin

Tribune publiée dans "Libération", le 7.06.12 (en collaboration avec Julian Jappert)

En théorie, les femmes font autant de sport que les hommes. Les Jeux olympiques de Londres 2012 seront d’ailleurs les tout premiers Jeux à offrir aux femmes l’accès à l’ensemble des sports inclus au programme olympique. Le sport n’a-t-il pas une fonction émancipatrice ? Ne s’est-il pas démocratisé tout au long du XXesiècle ? De surcroît, n’est-il pas traversé par des valeurs d’équité, qui font que seul le meilleur gagne ?

De fait, beaucoup, notamment dans le champ sportif, ont tendance à croire que le sport est une sphère «à part», protégée des problèmes du reste de la société : différenciations, inégalités, discriminations et violences (physiques, verbales et symboliques) en seraient absentes, tout du moins rares ou peu prononcées. Cette opinion a cependant été rendue caduque par de nombreux travaux de sciences sociales : le sport est culturel, le sport est politique. Avancer le contraire non seulement est inepte mais dessert le sport et les sportif(ve)s . Cette situation, si elle est intéressante pour le chercheur, s’avère préoccupante pour le politique et intolérable pour ceux et celles qui y sont confrontés.

Si l’on se cantonne aux pratiques amateures, les femmes font moins de sport que les hommes, en particulier en raison du temps contraint au quotidien : selon l’OCDE, en France, chaque jour, les femmes participent deux fois plus que les hommes aux soins des enfants et consacrent deux heures de plus aux tâches domestiques. Elles pratiquent également le sport différemment : de manière plus autonome, moins ancrée dans le cadre fédéral, qui leur propose bien moins d’opportunités de pratique.

Dès lors, plusieurs défis sont posés aux pouvoirs publics locaux et nationaux dans leurs politiques d’incitation à faire du sport, de manière régulière et modérée, notamment à des fins de santé. Ces leviers d’action doivent être déclinés spécifiquement pour les femmes (jeunes et moins jeunes). Car s’adresser à tous indifféremment revient à s’adresser surtout aux garçons et aux hommes. Comment cibler les populations les plus vulnérables (milieux défavorisés, monde rural, zones périurbaines, minorités) ? Comment accompagner la pratique sportive de loisir, de détente ?

Osons promouvoir une véritable politique éducative et sportive qui offre à chaque individu, fille ou garçon, homme ou femme, l’opportunité de s’épanouir dans une pratique sportive adéquate. N’ayons pas peur de regarder au-delà de nos frontières : avec aucune femme présidente de fédération olympique en France, la comparaison ne pourrait que nous servir. Pourquoi ne pas appliquer la «clause de l’Européenne la plus favorisée» (chère à Gisèle Halimi) au monde du sport, au moins pour l’égalité salariale ? Le principe est simple : les Etats membres de l’Union européenne doivent «s’aligner» sur l’Etat qui respecte le plus le droit des femmes.

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