Violences / PSG : quand les médias multiplient les amalgames moralisateurs sur le foot

Tribune publiée dans le Nouvel Observateur

Supporteurs du Paris Saint-Germain, Trocadero, Paris. Photo prise pas Gwenael Piaser le 13 mai 2013.

Depuis quelques années, le football français est régulièrement accusé d’être un lieu privilégié d’expression de la délinquance, ou plutôt d’une certaine délinquance : celle venue des banlieues à forte population immigrée. Et ce, que l’on parle des supporters ou des joueurs.

Les débordements au Trocadéro, en marge de la célébration du titre de champion de France du PSG, en sont la plus récente illustration. Ils ont donné lieu à une multitude de commentaires et d’interprétations révélant, une fois de plus, une certaine mythologie actuelle du football français qui dépasse largement le simple cadre sportif pour empiéter sur le politique.

Amalgame entre casseurs, « ultras » et jeunes de banlieue

Avant même que la police n’ait arrêté quiconque et a fortiori avant que la justice n’ait condamné qui que ce soit, certains groupes de supporters ont été les premiers à être montrés du doigt.

Sur l’esplanade du Trocadéro avait été déroulée une banderole sur laquelle était écrit « Liberté pour les ultras », en référence au plan Leproux. Des fumigènes ont également été lancés. Il n’en a pas fallu davantage pour que les « ultras » soient désignés comme étant à l’origine des violences, qu’ils en soient les acteurs directs ou les instigateurs. Ainsi, pour « Le Figaro », « souvent interdits de stade, quelque 250 ‘pseudo-supporteurs’ ont déclenché les hostilités au Trocadéro ».

Néanmoins, rien de prouvait, à ce stade – et rien ne l’a prouvé depuis – que les « ultras » fassent, de manière collective, partie des casseurs. En outre, seuls les « ultras » de la tribune Auteuil – d’origine populaire –, et non pas ceux de la tribune Boulogne – liés à l’extrême droite – ont été stigmatisés : « membres de la ‘K-soce team’, de la section des ‘Microbes’ ou encore de LPA (Liberté pour les abonnés), ces ‘ultras’ de l’ancien virage Auteuil du Parc des Princes sont ceux qui ont allumé la mèche » (toujours selon « Le Figaro »).

LPA a du reste publié un communiqué pour dire qu’elle condamnait les débordements dans lesquels elle affirme ne pas avoir pris part. Pour ces « ultras », la dénonciation du plan Leproux doit être pacifique :

« Par le passé, (…) nous avons organisé des manifestations dans Paris où nous étions près de 2.000 supporteurs historiques, sans incident. (…) Pourquoi, d’un coup, aurions-nous changé de stratégie ? »

Mais encore :

« Il nous semble nécessaire de rappeler que les anciens abonnés du PSG n’ont pas, et n’ont jamais envisagé de nuire à la célébration du titre, même s’il est amer à nos yeux. Certains de nous étaient là, pacifiquement, et on fait des appels au calme par le biais de leurs mégaphones. Sans succès. »

Le deuxième stade de la désignation des coupables a été de blâmer les jeunes de banlieue, d’origine immigrée ou en tout cas, décrits comme non « blancs ».

Pour une grande partie des commentateurs, les « casseurs de banlieue » ont pris le relais des « ultras ». Un lien de cause à effet direct était établi. Les adolescents du 93 et du 95 auraient profité du rassemblement pour semer le désordre, s’en prendre aux policiers, aux vitrines et piller les magasins. Furent alors dénoncées les défaillances de la police et de la DCRI, qui surveillent les « groupes à risque » des cités. Mais si les autorités n’ont pas anticipé les violences, c’est peut-être précisément parce que « la » jeunesse de banlieue n’y est pour rien…

« Racailles » vs. gens civilisés de l’Ouest parisien

Du côté des réactions politiques, un député UMP a parlé sur Twitter de « descendants d’esclaves » (avant de se rétracter) et Jean-François Copé a affirmé tout de go qu’ »il s’agit pour l’essentiel d’actes commis par des casseurs, des voyous venus, chacun l’a bien compris, d’un certain nombre de quartiers sensibles de la région parisienne ».

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