Interviewée pour « Lyon Capitale » sur les militantes d’extrême droite

antigones604-tt-width-604-height-367Le magazine Lyon Capitale consacre une enquête, réalisée par Mathieu Martinière et Daphné Gastaldi, sur les femmes engagées dans les mouvements d’extrême droite en France – et notamment à Lyon, pour laquelle ils m’ont interviewée.

 « Antigones », « Caryatides » (issues de l’« Œuvre Française ») et autres militantes de la Manif Pour Tous ou du Bloc Identitaire prétendent inventer un militantisme spécifiquement féminin. Or, comme je l’explique dans l’interview, ces mouvements sont profondément antiféministes : en vantant la complémentarité (naturelle) des sexes, en glorifiant – habitus oblige – le rôle de mère et d’épouse, en s’accommodant de l’inégalité hommes-femmes, voire en la défendant, ces femmes se situent à l’opposé de l’idée d’émancipation, ce qui en fait les complices consentantes du patriarcat.

Il y a toujours eu des femmes dans les mouvements d’extrême droite mais elles étaient dans l’ombre, du côté des sympathisantes ou des militantes, parce qu’on ne leur laissait pas de place, la politique étant un monde capté par les hommes. Ce qui est nouveau, c’est qu’elles se créent une identité communautaire et qu’on les laisse faire. Il y a une dimension tactique : le FN, par exemple, a très bien saisi que les Français souhaitaient que les partis soient davantage à l’image de la société française. Mais tout ceci n’est qu’un leurre.

On constate chez une grande partie de ces militantes une profonde méconnaissance du féminisme – qu’elles réduisent aux Femen, leurs « ennemies » – et des études de genre. Du reste, la confusion entretenue entre sexe, genre, transgenre et pédophilie est une des caractéristiques de la Manif Pour Tous. J’ajoute que ces femmes incarnent des postures pour le coup profondément genrées !

Le maintien de la tradition est ce qu’elles revendiquent parce que c’est ce qu’elles ont toujours connu et parce que, d’une certaine manière, elle leur donne une importance, une respectabilité sociale, si tant est qu’elles s’en tiennent aux rôles préétablis que cette tradition leur impose (discrétion, militantisme « doux », dévouement au mari, etc.).

La blancheur, la douceur, la virginité sont des symboles de soumission féminine, que se réapproprient les mouvements « Antigones » ou « Caryatides » (N.B. leurs tenues vestimentaires). Mettre « la » femme pure et innocente sur un piédestal fait toujours d’elle un objet, comme l’a très bien expliqué Simone de Beauvoir.

L’activisme féminin d’extrême droite n’est donc qu’un outil – certes habile – du maintien du patriarcat. Une servitude volontaire, en somme. C’est toutefois le combat féministe qui, par ses avancées, permet ironiquement aujourd’hui à ces militantes d’exprimer une parole publique.

Retrouvez ici l’enquête parue dans Lyon Capitale.