Interviewée par « 20 Minutes » sur Donald Trump, le 25 avril 2016

Interview réalisée par Laure Cometti, et publiée le 25 avril 2016.

2048x1536-fit_gauche-droite-john-kasich-donald-trump-ted-cruzPrimaire républicaine: Le barrage anti-Trump arrive-t-il trop tard?

Largement devancés par Donald Trump dans la course à l’investiture républicaine, Ted Cruz et John Kasich vont tenter de lui faire barrage dans trois Etats…

L’union fera-t-elle la force contre Donald Trump ? C’est le pari de Ted Cruz et John Kasich, tous deux aspirants à l’investiture républicaine en vue de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, qui ont annoncé dimanche  leur accord dans trois Etats afin de battre leur rival. Ce barrage « anti-Trump », prôné par certains membres du Grand Old Party (GOP, le surnom du parti républicain) peut-il stopper le milliardaire, largement en tête dans la course aux délégués ?

Que prévoit l’accord entre Kasich et Cruz ?

A six semaines du dernier scrutin, les deux rivaux de Donald Trump ont convenu d’un pacte de non-agression dans trois Etats. Dans l’Indiana, où 57 délégués seront en jeu le 3 mai, le gouverneur de l’Ohio John Kasich laissera le champ libre à Ted Cruz. Le sénateur lui rendra la politesse dans l’Oregon (le 17 mai) et le Nouveau Mexique (le 7 juin), où un total de 52 délégués est en jeu.

Le but ? Eviter d’éparpiller des voix entre les deux candidats afin d’empêcher Donald Trump de remporter les 393 délégués qui lui manquent pour franchir la barre des 1.237 requis pour obtenir l’investiture républicaine, soit 58 % des 674 délégués restants. Ted Cruz et John Kasich sont à la traîne, avec respectivement 543 et 148 délégués.

Or si aucun candidat n’obtient ce Graal, l’investiture se décidera lors d’une convention ouverte en juillet, par un vote individuel des délégués. A ce petit jeu, John Kasich a bon espoir d’être investi car il est le plus apprécié des cadres historiques du GOP. Cela n’empêche pas Ted Cruz de draguer les délégués « non engagés » en vue d’une convention ouverte

Une stratégie risquée et tardive

En scellant cet accord, Ted Cruz et John Kasich « misent tout sur le sentiment anti-Trump, mais cela suffira-t-il à rassembler les électeurs républicains ? », s’interroge Marie-Cécile Naves, docteure en science politique de l’université Paris-Dauphine. Kasich et Cruz sont « deux candidats très différents. Le premier est un conservateur relativement modéré, tandis que le second est un ultra ». Il n’est donc pas certain que les électeurs de l’un reportent leur voix vers l’autre, d’autant qu’aucun des deux candidats n’a directement appelé à voter pour l’autre.

« Non seulement cette stratégie est risquée, mais elle arrive tard », souligne l’auteure du Nouveau visage des droites américaines*. Donald Trump a déjà une confortable avance face à ses deux rivaux. Plébiscité lors de la primaire de New York la semaine dernière, il devrait à nouveau creuser l’écart dans cinq Etats le 26 avril, où aucun accord n’est prévu.

Autre risque, celui de nourrir la rhétorique de Donald Trump qui dénonce depuis des semaines un système de primaires républicaines « complètement truqué » et ne s’est pas privé pour fustiger l’accord de ses rivaux.

Le parti républicain « joue sa dernière carte »

Quand bien même Donald Trump n’obtiendrait pas la majorité absolue, il serait risqué pour les instances du GOP de le désavouer. « Cela serait perçu comme un déni de démocratie, or le 8 novembre, en même temps que la présidentielle, il y aura aussi des élections législatives et locales importantes. Il y a un risque que les électeurs républicains se détournent du GOP s’ils ne sentent pas écoutés », souligne Marie-Cécile Naves.

Selon la politologue, le parti, « profondément fragilisé car très divisé, joue sa dernière carte. Des soutiens traditionnels du parti s’en détournent à cause de Trump, et rallient Hillary Clinton, comme le milliardaire Charles Koch ». Dans les sondages, seul Kasich apparaît en mesure de mettre la candidate démocrate en difficulté.

(Photo: AFP, reprise par « 20 Minutes »)