TRIBUNE. Avec son nouveau staff, Trump droitise encore sa campagne

Tribune parue sur le site du "Huffington Post", le 22 août 2016.

FREDERICKSBURG, VA - AUGUST 20: GOP nominee Donald Trump holds a rally in Fredricksburg, VA on August 20, 2016 in Fredericksburg, Virginia. (Photo by Leigh Vogel/WireImage)
FREDERICKSBURG, VA – AUGUST 20: GOP nominee Donald Trump holds a rally in Fredricksburg, VA on August 20, 2016 in Fredericksburg, Virginia. (Photo by Leigh Vogel/WireImage)

Donald Trump marque certes le pas dans les sondages par rapport à Hillary Clinton -certains le créditent encore tout de même de 40% des voix au niveau national- mais il ne semble pas changer de stratégie. Ces derniers jours, en Caroline du Nord et dans le Michigan, il a pu donner l’impression d’adoucir son discours. Aux Afro-Américains, il a dit: « Vous n’avez rien à perdre à voter pour moi parce que votre vie est très difficile, vous êtes pauvres, vos écoles sont mauvaises, etc. » Ce qui signifie: « Qu’est-ce qu’Obama a fait pour vous? Rien ». Il a aussi affirmé regretter des « propos qui ont pu blesser des gens personnellement ». Il dit bien « personnellement » et ne parle pas des groupes ou des communautés (musulmans, Mexicains, etc.) qu’il a largement insultés depuis un an. Il ne dit pas non plus ce qu’il regrette en particulier.

Trump fait du Trump et il y a peu de chance que cela change

Il ne s’agit donc que d’un effet rhétorique. Depuis un an, Trump fait du Trump et il y a peu de chance pour que cela change. Ce n’est pas la première fois que les observateurs pensent voir en lui un candidat mainstream. Très vite, il recommence avec ses provocations. Le résultat est qu’on parle de lui tous les jours, et c’est probablement son but.

Les changements intervenus très récemment dans son équipe de campagne démontrent que Trump donne des gages supplémentaires à l’ultra-conservatisme. Décidément, il mise tout sur le storytelling de l’Amérique blanche, patriarcale, fermée sur elle-même, indépendante de l’establishment. Ce pari est risqué, mais c’est le sien et il l’assume.

C’est ainsi que s’explique la démission de son responsable (chairman) de campagne, Paul Manafort. Bien sûr, les liens financiers plus ou moins opaques que celui-ci a entretenus avec les réseaux de Poutine et de Ianoukovitch depuis 10 ans ont joué. Mais un autre facteur a compté. Manafort, qui avait remplacé Lewandowski, écarté par la famille Trump il y a tout juste deux mois, n’était décidément pas en phase avec le candidat. Celui-ci privilégie aujourd’hui, dans son cercle rapproché, les personnalités issues des médias d’extrême droite que sont Steve Bannon et Roger Ailes. Le choix de l’ultra-conservateur Mike Pence comme colistier de Trump allait déjà dans le sens d’une droitisation du message.

Bannon, quoiqu’il ait officié chez Goldman Sachs dans une autre vie, fait partie de ce groupe de commentateurs web, télé et radio qui ont fait montre d’une très grande agressivité contre Obama durant ses années de présidence. Breitbart News, le site d’informations en ligne de Bannon, est friand de théories du complot. Il est également anti-immigrés et anti-musulmans, sexiste et homophobe. Il fustige le multiculturalisme et le « politiquement correct » des politiques accordant des droits aux femmes et aux minorités. Le site a par exemple comparé le planning familial américain aux nazis et qualifié les femmes qui prennent une contraception de laides et de folles.

Une nouvelle marque de défiance vis-à-vis du parti républicain

Proche à certains égards des Tea Party et à d’autres de la droite religieuse mais novice en politique -comme Trump-, Bannon est également vivement opposé aux leaders et aux instances du parti républicain, notamment Paul Ryan qu’il a appelé à faire battre lors de la primaire pour sa réélection dans le Wisconsin. Que Bannon soit nommé directeur général de campagne, c’est très clairement une nouvelle marque de la défiance de Trump vis-à-vis d’un parti désemparé, désuni, en miettes, qui serre les dents jusqu’en novembre.

Quant à Ailes, c’est l’ancien PDG de Fox News, la chaîne d’informations la plus regardée par l’électorat conservateur issu des classes moyennes et populaires. Il est au cœur d’un scandale de harcèlement sexuel à l’encontre d’anciennes employées. Trump l’a choisi pour le préparer aux débats télévisés qui vont l’opposer à Clinton -et peut-être aussi au candidat libertarien Johnson. Ailes a déjà coaché Reagan et Bush père pendant leurs campagnes respectives. La diatribe que Trump a formulée il y a peu contre les grands médias -qui seraient contre lui, qui alimenteraient un complot pour faire gagner Clinton, etc.- va dans le sens de son alliance avec Bannon et Ailes.

Une hypothèse circule, l’avènement d’un grand empire médiatique après le 8 novembre

Trump, qui doit séduire les indépendants et les républicains modérés, pense-t-il réellement y parvenir par des petites phrases « pansements » (sur les Noirs, les homosexuels, les femmes), censées effacer l’essentiel de son discours? Certes, il a aussi choisi de s’offrir les services de la stratège et sondeuse Kellyanne Conway, ancien soutien de Ted Cruz pendant les primaires. En tant que spin doctor, elle devrait œuvrer à la communication du candidat à l’égard de l’électorat féminin. Cette campagne semble toutefois de plus en plus improvisée.

C’est la raison pour laquelle une hypothèse circule aux Etats-Unis: le choix de Bannon et de Ailes préparerait l’avènement d’un grand empire médiatique après le 8 novembre. Trump, en effet, a-t-il vraiment envie de gouverner les Etats-Unis? Gagner l’élection, oui. Diriger le pays, rien n’est moins sûr. Prendre la tête d’un gigantesque groupe de médias d’ultra-droite et anti-système pourrait lui apparaître comme étant bien plus exciting, comme on dit en anglais. Le nouveau défi d’une longue série.

(crédit photo : Leigh Vogel via Getty Images)