INTERVIEW pour le « JDD » sur les élections américaines

ss_pics_590Le 2 octobre 2016, j’ai accordé à François Clemenceau, du « Journal du Dimanche », une interview sur les élections américaines, parue sous le titre : « Quels Etats doit conquérir Trump pour gagner en novembre ? »

La victoire du 8 novembre pour Donald Trump repose, selon les instituts de sondage, sur neuf États, dont trois sont vitaux pour le milliardaire populiste.

Comment y arriver, doit se demander Donald Trump depuis que le débat de lundi l’a vu chanceler dans les intentions de vote. Contrairement à la France, où la circonscription présidentielle est unique, l’élection américaine se joue dans chacun des 50 États, tous dotés de grands électeurs dont le nombre varie en fonction du poids démographique du territoire. Or, il suffit dans ce scrutin à un seul tour que l’un des candidats arrive en tête pour rafler la totalité des grands électeurs qui s’y trouvent. C’est la règle du « winner takes all ».

Les camps en présence divisent donc les États en deux catégories. Ceux qui sont considérés comme « safe », où une majorité de plus de 55% est traditionnellement acquise à leur parti, comme en Californie, qui n’a pas voté républicain depuis Ronald Reagan, ou au Texas, qui n’a jamais voté démocrate depuis Carter en 1976. L’autre groupe qui attire toutes les attentions, les énergies et les financements, est constitué des swing states où, d’une élection à l’autre, les électeurs changent de camp. « Trump s’est fait surprendre par Clinton lors du débat de lundi, il doit désormais rattraper son retard dans plusieurs de ces États clefs où les électeurs indépendants et surtout les indécis semblent aujourd’hui lui préférer Hillary », note Marie-Cécile Naves*, spécialiste des États-Unis à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Clinton et Trump au coude-à-coude dans cinq États

Cette année, le plus important des swing states reste la Floride (29 grands électeurs), suivie de l’Ohio(18), la Caroline du Nord (15), le Colorado (9) et l’Iowa (8) : Hillary Clinton et Donald Trump y étaient au coude-à-coude avant le fameux débat télévisé de lundi. Dans quatre autres États (la Pennsylvanie, le New Hampshire, le Wisconsin et le Nevada), Hillary Clinton disposait la semaine dernière d’une avance de 3 à 8 points, ce qui, à ce stade, rend toute reconquête de Trump très compliquée.

Le milliardaire républicain hérite de la carte électorale que lui a laissée Mitt Romney en 2012. Avec 206 grands électeurs contre 332 à Barack Obama, le défi, pour lui, consiste donc à passer de 206 à 270 (le seuil majoritaire). Comment? D’abord en s’efforçant de garder la Caroline du Nord, ce qui n’est pas impossible. Ensuite en reprenant la Floride et l’Ohio. Mais, même s’il y arrive, il ne dispose alors que de 253 grands électeurs. Où obtenir les 17 manquants? Le plus simple serait de tenter de gagner en Pennsylvanie, ce qui le ferait passer à 273 grands électeurs. Sauf que pour l’heure, Hillary Clinton le devance de 2 à 5 points. Elle y a dépensé sept fois plus en spots publicitaires et y dispose de 36 permanences électorales avec des salariés à plein-temps contre deux seulement dans le camp Trump. Autre tactique possible, opter pour une combinaison d’autres petits États en balance. L’Iowa, où il est bien placé, pourrait lui en rapporter 8 et le Colorado 9. La victoire ne serait alors obtenue que d’une seule petite voix.

Bien entendu, il reste 36 jours de campagne jusqu’au 8 novembre. « Il est possible que le modèle Trump soit arrivé au bout de sa mécanique. Il est probable aussi qu’il se prépare mieux pour les débats à venir des 9 et 19 octobre. Trump nous a habitués aux rebondissements », ajoute Marie-Cécile Naves. Mais sa stratégie, qui consiste à faire douter de la capacité de Hillary Clinton à changer Washington, se heurte à la géo-démographie électorale héritée des deux victoires d’Obama. Et, pour l’instant, elle continue de profiter au camp démocrate.

* Trump, l’onde de choc populiste (FYP, 2016).