INTERVIEW. La communication omniprésente de Trump, pour « 20 Minutes », le 19/06/17

Interview réalisée par Lucie Bras et publiée sur le site de "20 Minutes", le 19/06/17.

960x614_republican-presidential-candidate-donald-trump-speaks-during-the-final-day-of-the-republicanDonald Trump, un président omniprésent bientôt éliminé de nos fils d’actualité?

Le site d’information américain Quartz propose un bouton «24 heures sans nouvelles de Trump»… 

  • Donald Trump tweete en moyenne cinq fois par jour, une fréquence de prise de parole inédite pour un président
  • « Donald Trump est son propre média », explique Arnaud Mercier, enseignant chercheur à l’Institut français de la presse (IFP) à Paris.
  • Le nombre de ses interventions augmente mais sa popularité baisse à vue d’œil : 70 % des Américains ont déclaré être en désaccord avec leur président.

Donald Trump s’exprime sur la Fête des pères, Donald Trump dénonce une chasse aux sorcières, Donald Trump, Donald Trump, Donald Trump… Cinq mois après l’élection de l’omniprésent milliardaire à la tête des Etats-Unis, les sites d’information saturent de nouvelles. A tel point que le média américain Quartz offre aujourd’hui à ses lecteurs la possibilité de couper le fil d’infos le concernant.

« Occulté toute l’actualité importante dans le reste du monde »

« Moins de Trump ! » Face à l’augmentation de ce genre de messages venant de lecteurs, le site d’information a eu l’idée de créer un bouton permettant de se déconnecter de cette actualité trop riche.

En activant cette fonction sur l’application de leur téléphone, les Internautes peuvent bénéficier de 24 heures de tranquillité, sans information concernant les faits et gestes de Donald Trump. « Quand vous activez l’option, nous ne vous passerons pas les articles ou les informations concernant l’homme dont la personnalité XXL et la présidence historique ont dominé les gros titres, et, parfois, occulté toute l’actualité importante dans le reste du monde », explique Quartz à ses lecteurs.

« Il sature la conversation politique »

Au quotidien, Donald Trump est omniprésent dans les médias, sur Twitter notamment, où il poste des messages dès son réveil le matin, environ cinq par jour. « Il sature la conversation politique », analyse Arnaud Mercier, auteur du livre La communication politique et enseignant-chercheur à l’IFP.

Et dans les tweets du président américain, majuscules et points d’exclamations côtoient des expressions familières et des insultes directes. Une attitude peu présidentielle, qui détonne avec la communication d’autres chefs d’Etat.

« Ce n’est pas un homme politique comme les autres. Il y a une forme de contraste avec les attentes de la fonction. », poursuit Arnaud Mercier. Un contraste renforcé par son passé médiatique : avant d’être président, Donald Trump était un homme de téléréalité. Il a animé pendant onze ans l’émission à succès The Apprentice, sur la chaîne de télévision NBC.

« Ce qui l’intéresse, c’est ce qu’on dit de lui »

« Il veut être dans la lumière, tout le temps. Il est atteint d’un profond narcissisme : quand on ne parle pas de lui, il se charge de le faire. Trump ne travaille pas ses dossiers, ce qui l’intéresse, c’est ce qu’on dit de lui », explique Marie-Cécile Naves, chercheuse à l’Iris et auteur de Trump : L’onde de choc populiste. Arnaud Mercier confirme : « Sa stratégie, c’est d’être son propre média. »

Sur l’environnement, la justice ou la Russie, les positions radicales, exprimées sur Twitter en 140 caractères maximum, le mettent en concurrence avec les médias traditionnels. « Les médias font face à quelqu’un qui les stigmatise comme des ennemis. Les médias sont d’autant plus réactifs qu’ils sont attaqués », explique Arnaud Mercier.

« C’est un peu comme le phénomène Jean-Marie Le Pen en France »

La caisse de résonance de ces propos est assurée par les réseaux sociaux, qui s’appliquent à détourner, au moyen de gifs, de mèmes ou de montages, les propos du président. « Dans une démocratie d’opinion, cette omniprésence des médias et des réseaux sociaux : c’est inédit. Ça en dit long sur l’état de la démocratie américaine. »

Pourtant les médias sont obligés de composer avec ce personnage envahissant. Grâce à lui, les audiences du New York Times ont atteint des records. Une histoire d’attraction répulsion à l’image d’autres hommes controversés : « C’est un peu comme le phénomène Jean-Marie Le Pen en France, ou Berlusconi en Italie », affirme Marie-Cécile Naves. Le mois dernier, le New York Times a pour la première fois de son histoire envoyé un double push pour informer ses lecteurs. Sur quelle actualité ? On vous le donne en mille : Donald Trump.

Son taux d’impopularité avoisine les 70 %

Reste que cette stratégie du court terme est à double tranchant pour Donald Trump. S’il conserve une base électorale fidèle, le désamour des Américains est très fort. Son taux d’impopularité avoisine les 70 %, une chute plus rapide et plus forte que n’importe quel président des Etats-Unis avant lui.

A noter que sur le navigateur Google Chrome, des extensions existent déjà pour «supprimer Donald Trump d’internet » ou pour remplacer toutes les photos de l’ultra-président par des chatons. Une manière comme une autre de répondre au trop-plein médiatique.

(Crédit photo : Carolyn Kaster/AP/SIPA)