Réseaux sociaux : la jeunesse afro-américaine se mobilise contre les violences « raciales » (« Les Echos »)
Publié le 13 mai 2015La diffusion sur les réseaux sociaux des images des violences policières à Baltimore est une étape décisive vers une prise de conscience collective de la persistance du racisme anti-Noirs aux États-Unis.
Aux États-Unis, les violences policières contre des hommes noirs, souvent jeunes, ne sont pas plus nombreuses qu’avant. Ce qui a changé, c’est qu’elles ne sont plus cachées. Les arrestations musclées, les coups, les tirs dans le dos sont désormais filmés par des téléphones portables, et les vidéos, complétées par des témoignages, se répandent sur les réseaux sociaux à la vitesse de l’éclair.
C’est ce qui fait aussi que, dans le monde entier, les grands médias s’y intéressent enfin. Les images de Michael Brown gisant face contre terre, du sang coulant de sa tête, ou d’Eric Garner en train d’étouffer, suppliant, sous le bras d’un policier, sonnent comme un retour cinglant du refoulé des heures sombres de l’Amérique.
Dénoncer grâce aux réseaux sociaux
Ce retournement de situation, on le doit beaucoup à la jeunesse afro-américaine, souvent étudiante, qui sait manier l’arme redoutable des nouvelles technologies. Pour dénoncer les injustices, pour proposer un autre regard que celui des grandes chaînes de télévision qui, estime-t-elle, ont laissé penser que les émeutes résumaient les réactions de la population noire, elle souhaite montrer la réalité au jour le jour par des reportages en live-tweeting. Elle a ainsi dénoncé l’attitude des policiers qui ont lancé des gaz lacrymogènes et tiré des balles en caoutchouc sur la foule pacifique à Baltimore.
Ces reporters militants construisent un storytelling des manifestations, créent des hashtags mobilisateurs à l’instar de #Ferguson ou #ICantBreathe qui font le tour du monde et dont certains, comme #BlackLivesMatter, se retrouvent en couverture de Time magazine. Très rapidement, leur stratégie a en effet mobilisé, dans tout le pays, des dizaines de milliers d’individus, sur Twitter et Facebook, qui propagent à leur tour les informations, et ainsi de suite.
Des stéréotypes et des discriminations bien ancrées
Eric Garner, Michael Brown, Tamir Rice, Tony Robinson, Walter Scott, Freddie Gray représentent le destin commun de beaucoup d’hommes noirs américains. Le stéréotype « racialisé », hérité de l’esclavage et de la ségrégation, de l’ angry black man, sauvage, bestial et menaçant – comme l’avait dit le policier Darren Wilson qui a abattu Michael Brown –, n’a pas disparu.
La police dite de proximité est équipée comme l’armée : censées se concentrer sur les grosses affaires, des unités spéciales s’occupent aussi d’opérations de routine comme le trafic de drogue ou les petits larcins, et utilisent la méthode forte. Quant à la justice américaine, elle est à deux vitesses : les Blancs ne subissent pas le même traitement que les Noirs en raison de préjugés, de compositions de jurys et d’inégalités de revenus ne permettant pas aux plus démunis de se payer les meilleurs avocats. Dans les quartiers noirs, les adolescents sans diplôme ont une chance sur deux d’aller un jour en prison. La surveillance policière structure leur existence.
L’immobilisme d’Obama
La jeunesse « af-am 2.0 » a bien compris que ce n’est pas d’en haut, des politiques, que viendra le changement. Certes, le département de la Justice a commandé un rapport sur l’affaire de Ferguson, qui a notamment conduit à la démission du chef de la police et de responsables municipaux. Une enquête fédérale est aussi en cours à Ferguson. Mais le Président Obama en a déçu beaucoup.
Ses dernières déclarations n’ont fait que renforcer ce sentiment : quand il ne fait pas dans la langue de bois, il choisit l’humour au dîner des correspondants à Washington, à quelques dizaines de kilomètres à peine des manifestations tendues de Baltimore. Pire : il vient de reconnaître qu’il ne fera rien jusqu’à la fin de son second mandat : le 4 mai, il a annoncé la création d’une organisation, financée sur fonds privés, destinée à offrir plus d’opportunités aux jeunes issus de minorités, et dans laquelle il s’impliquerait… une fois qu’il aura quitté la Maison-Blanche (…).
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