INTERVIEW. L’affaire Comey aux Etats-Unis, pour LExpress.fr
Publié le 18 juin 2017
Affaire Comey: pourquoi l’électorat républicain est-il si soudé derrière Trump?
Malgré les polémiques, ou l’affaire James Comey, Donald Trump reste plébiscité par les électeurs républicains. Un soutien indéfectible qui fait office de bouclier.
La tempête ne faiblit pas. Autour de Donald Trump, les polémiques pleuvent, mais semblent ruisseler sur son électorat, qui loin de laisser son poulain se noyer, continue de lui apporter un soutien plein et entier. Même l’affaire James Comey, apparue comme une lame de fond pour la Maison-Blanche, ne semble pas en mesure de faire vaciller ses partisans.
Ce jeudi, l’ancien patron du FBI, limogé en mai par Donald Trump a confirmé devant la commission du Renseignement du Sénat avoir l’impression que Trump lui avait demandé de laisser tomber l’enquête sur Michael Flynn, son ex-conseiller. Mais James Comey a aussi affirmé qu’il n’y avait aucune enquête contre le président, dans l’affaire des liens russes. Un bon point pour le président.
D’après le dernier sondage de l’institut Gallup, seulement 38% des Américains soutiennent le travail de Donald Trump. Du côté des électeurs républicains, ce taux grimpe à 82%. Une mesure assez stable au vu du contexte explosif qui entoure le président américain. Loin d’être anecdotique, ce soutien indéfectible constitue pour lui, le meilleur bouclier contre les appels, de plus en plus nombreux, à sa destitution.
Une communauté de fans
« Pour comprendre la solidité de sa base électorale, je pense qu’il faut retourner à la campagne elle-même », analyse pour L’Express Jean-Éric Branaa, chercheur spécialiste de la politique américaine, et auteur du livre Les États-Désunis, à paraître en septembre. Selon lui, lorsqu’il briguait la présidence, le milliardaire aurait commencé à créer un lien particulier entre lui et ses supporters.
« En s’appuyant principalement sur Facebook et Twitter, il a développé une réelle interaction avec ses futurs électeurs. Pendant qu’Hillary Clinton délivrait de l’information de manière traditionnelle, notamment via la presse, lui s’est fabriqué des fans », poursuit Jean-Éric Branaa. De telle sorte que le jour du vote, le magnat de l’immobilier rassemblait 13 millions d’abonnés sur Twitter et près de 12 millions sur Facebook.
Une communauté de supporters, unie derrière son leader lors de grands rassemblements. « Pendant la campagne, ses meetingsressemblaient à des concerts, il y parlait assez peu de politique, mais il improvisait et répondait à n’importe quel mot venant de la salle. Il y avait de l’électricité dans l’air », continue le spécialiste des États-Unis. « En fin de campagne, ses meetings pouvaient rassembler 30 000 à 35 000 personnes », ajoute-t-il.
Une communication directe qui a fini par créer une dynamique puissante du côté de Donald Trump. Au point de développer une forme d’identification chez ses supporters: « les électeurs qui se sentaient rejetés par l’ensemble de l’establishment ont adhéré à ce candidat hors système. Plus les médias critiquaient Donald Trump, plus ces gens-là, qui se sentaient rejetés dans leur vie de tous les jours, se sont identifiés à lui. » Jusqu’à le défendre quoi qu’il dise, ou qu’il fasse.
Les gages donnés aux Républicains
Depuis son élection, Donald Trump prend soin de ce lien qu’il a construit avec ses supporters. En témoignent ses hommages appuyés aux États du centre du pays, qui ont massivement voté pour lui. « Il donne beaucoup de gages aux électeurs républicains avec un programme très conservateur », explique de son côté Marie-Cécile Naves, spécialiste des États-Unis et chercheuse à l’Iris. Pour elle, même s’il ne parvient pas à mettre en place certaines mesures comme le « Muslim Ban« , retoqué par la justice américaine, la communication très virulente du président sur ces sujets « va dans le sens des intérêts républicains ».
« L’électeur républicain moyen est très sensible au discours de fermeté, presque autoritaire, de Donald Trump. Il n’a pas conscience de l’impact que cela peut avoir au niveau international par exemple », développe la chercheuse. « Sortir de l’Accord de Paris sur le climat est quelque chose qui a plu à son électorat de base, et c’est aussi pour cela qu’il l’a fait », ajoute-t-elle.
Un soutien acquis de la part des électeurs, qui serait plus fragile en revanche chez les élus du Grand Old Party. « Donald Trump n’est pas quelqu’un de très crédible à Washington, mais les élus républicains ont besoin de ce président pour faire passer leurs réformes », détaille Marie Cécile Naves. En clair, une stratégie politique et un soutien de circonstance, plus qu’une réelle adhésion à la ligne du président. Mais la chercheuse prévient: « Si les élus du Congrès voient que la popularité de Donald Trump s’érode auprès de son socle électoral, ils risquent de lâcher. Précisément parce qu’il y a des élections de mi-mandat en 2018. »
Les effets incertains de l’affaire James Comey
Alors que James Comey s’est présenté ce jeudi devant la commission de renseignement du Sénat, et a confirmé l’attitude ambiguë de Donald Trump, lors de l’enquête visant Michael Flynn, les effets sur l’électorat républicain de cette affaire, restent incertains. Devant les sénateurs, l’ancien patron du FBI a ainsi expliqué que par son attitude, Donald Trump avait semblé lui demander « sa loyauté » et son « allégeance ».
« Si on regarde cette situation à travers les yeux d’un opposant à Donald Trump, alors le président est un menteur corrompu dont il faut se débarrasser. En revanche si l’on se place du côté d’un partisan du président, alors cette affaire est la preuve que le système cherche à le faire tomber par tous les moyens, quitte à confisquer le vote de tous ceux qui ont voté pour lui », résume Jean-Éric Branaa.
L’affaire Comey cristallise, pour lui, les tensions d’une société américaine fracturée, qui ne se comprend plus. Et à court terme, les électeurs républicains ne devraient pas se retourner contre leur leader. Un point de vue que rejoint Marie-Cécile Naves. Selon elle, c’est auprès des élus du GOP que l’impact pourrait être le plus fort. Mais à moyen terme, cela pourrait finir par « éroder la popularité de Donald Trump ».
(Photo : afp.com/Brendan Smialowski)