« Libé » parle de « La démocratie féministe »
Publié le 07 novembre 2020La newsletter mensuelle « L » de « Libération », consacrée au féminisme, consacre un article à « La démocratie féministe. Réinventer le pouvoir » dans son numéro du 7 novembre 2020. Par Simon Blin.
La Nouvelle-Zélande est bel et bien un pays antipodal. Très isolée géographiquement, cette petite nation de l’Océanie est aussi une exception politique. Non seulement elle vient de juguler l’épidémie de Covid-19, mais elle a aussi consacré une nouvelle fois l’éthique et l’empathie au plus haut sommet de l’Etat.
Le 17 octobre, la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardem, s’est fait réélire avec brio. Ce nouveau triomphe de la leader social-démocrate de 40 ans est un véritable pied de nez aux outrances des gouvernants nationaux-populistes, nouveaux régisseurs d’une diplomatie du grotesque.«Jacinda Ardem prend à rebours les canaux traditionnels de gestion de crise comme la rhétorique martiale pour imposer un mode de gouvernance dégenré», analyse Marie-Cécile Naves, docteure en science politique à l’université Paris-Dauphine, dont le dernier ouvrage, la Démocratie féministe, réinventer le pouvoir (Calman-Lévy), jalonne l’exemple néozélandais.
Jacinda Ardem incarnerait-elle une nouvelle démocratie féministe? Le monde entier connaît son visage depuis l’attentat de Christchurch: le 15 mars 2019, un suprémaciste blanc australien ouvre le feu sur des fidèles dans deux mosquées de la troisième ville du pays, assassinant 51 personnes. Tous les ingrédients sont là pour plonger la Nouvelle-Zélande dans une polarisation politique extrême, une crise identitaire et sécuritaire.
Et pourtant, Jacinda Ardern déploie un tout autre registre que la rhétorique guerrière que l’on connaît dans la plupart des pays. Celle qui est devenue la deuxième Première ministre à accoucher pendant son mandat adopte un discours apaisant et rassurant, tout en conduisant une politique de fermeté face au terrorisme et aux armes à feu. Une conception du pouvoir aux antipodes de la masculinité hégémonique pratiquée par Donald Trump, selon Marie-Cécile Naves, également directrice de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
Pour l’essayiste, Jacinda Ardern incarne un pouvoir non pas «féminin» mais «féministe», un contre-modèle au leadership viriliste et prédateur trumpien ou bolsonariste. La «démocratie féministe», c’est aussi la preuve qu’en 2020, on peut encore gagner en politique sans sombrer dans la surenchère populiste et anti-féministe.
A lire « La Démocratie féministe. Réinventer le pouvoir » de Marie-Cécile Naves, éditions Calmann-Lévy, collection Sciences humaines et essais (14 octobre 2020).