« La démocratie féministe » dans « Marie-Claire »
Publié le 06 janvier 2021Dans le « Marie-Claire » de février 2021 est publiée mon interview sur le rôle du féminisme dans l’élection de Joe Biden et Kamala Harris, et sur mon livre, « La démocratie féministe. Réinventer le pouvoir », paru chez Calmann-Lévy. Extraits de l’entretien réalisé par Caroline Laurent-Simon.
En quoi l’élection du ticket Biden-Harris annonce-t-il une nouvelle ère pour les Droits des Femmes si malmenés sous la mandature Trump ?
Marie-Cécile Naves : La présidence Trump a incarné une masculinité hégémonique, telle que la sociologue Raewyn Connell l’a théorisée. Dans sa manière de gouverner comme dans sa communication, Trump visait à dominer les autres, à imposer son récit et son projet. Les femmes – comme toutes les minorités, notamment LGBTI- ont été une cible privilégiée. Leur accès aux droits – avortement, contraception, égalité professionnelle, lutte contre les viols, mais aussi accès à la santé et l’emploi- a été fragilisé.
Et cela au travers de textes élaborés ou de priorités établies par l’administration fédérale comme la préservation des emplois masculins dans les mines, l’agriculture et l’industrie. Trump a aussi défié les femmes politiques et journalistes. Il surnommait par exemple Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, de « puce de lit stupide ». Ou qualifiait les femmes journalistes qui lui posaient des questions, jugées par lui dérangeantes, de « méchantes » ou « laides ».
Sur beaucoup de sujets de l’agenda politique comme en termes de leadership et de gouvernance, Biden/Harris est l’anti-Trump/Pence. Attendons de voir si le président élu nomme des femmes – de toutes origines- à des postes de ministres, d’ambassadrices ou à la tête d’agences fédérales. Les promesses en faveur de l’égalité femmes-hommes et de l’émancipation des femmes sont nombreuses et précises sur le site de campagne de Biden. Mais cela dépendra aussi de la couleur du Sénat. Si celui-ci reste conservateur, il sera difficile de faire passer certaines mesures au niveau législatif.
Votre dernier livre s’intitule « La démocratie féministe- réinventer le pouvoir » * : une femme exerce t-elle forcément différemment le pouvoir ?
Marie-Cécile Naves : Je ne pense pas qu’une femme gouverne différemment parce qu’elle est née femme. Ce n’est pas biologique ! Mais les femmes exercent souvent autrement le pouvoir parce qu’elles ont expérimenté ou observé le soin aux autres dans leur vie personnelle et/ou professionnelle. Pour elles la santé, l’éducation, l’environnement ne sont pas moins prioritaires que l’économie. Beaucoup ont un regard transversal sur l’agenda politique et prennent au sérieux les demandes citoyennes. La question posée par le féminisme, partout dans le monde, c’est celle du pouvoir : en termes d’agenda, de projet de société, de style politique, de storytelling, de gouvernance.
Le féminisme propose un pouvoir qui s’appuie sur la science, s’inspire des expertises d’expériences, est respectueux de toutes et de tous, refuse la domination, contre les femmes, mais aussi contre tous les groupes et individus.
Une « démocratie féministe », aux États-Unis et ailleurs, sur les plans pratique et programmatique, c’est un système politique dans lequel les décideurs, pour comprendre le monde dans sa complexité, s’inspirent de cette intelligence collective afin de bâtir un agenda émancipateur où l’approche par le genre est systématique dans les politiques publiques de santé, d’éducation, d’environnement, d’économie, de sport, de culture. C’est aussi promouvoir un leadership combatif mais coopératif. Si l’on regarde le projet de Biden/Harris, il coche plusieurs cases (…)
Retrouver l’intégralité de l’entretien pages 94-97 du numéro de février 2021 du magazine « Marie-Claire ».
Et le livre, « La démocratie féministe. Réinventer le pouvoir », est disponible ici.