Comment se prétendre moderne tout en étant sexiste (brève analyse de la publicité).
Publié le 22 février 2012J’aime bien rappeler qu’il existe dans notre pays une « Charte pour l’image de la femme dans les médias », signée notamment par France Télévisions. Et pour un grand nombre de responsables médiatiques, du reste, « il n’y a pas de problème ».
Dont acte.
J’aime bien rappeler également que la publicité est l’un des pires moyens d’expression du sexisme quotidien – le moins visible a priori et donc le plus pernicieux.
Prenons le dernier spot du Crédit Mutuel, qui vous explique que vous, citoyen ordinaire, pouvez en devenir sociétaire-client sans pour autant basculer dans la caste des très méchants banquiers.
– Les personnages : un couple de quinquagénaires et leur fils, issus de la classe moyenne supérieure mais pas bobos. Seuls le père et le fils parlent. La mère, elle, a les mains dans l’évier, et offre à son mari un sourire indulgent et à son fils qui vient déjeuner, sa joue pour qu’il l’embrasse tendrement. Elle remplit d’eau le vase pour y mettre les fleurs qu’il vient de lui offrir. Il la prend même par les épaules. Il aime sa maman, c’est un bon fils, propre sur lui, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Il ne peut donc être animé d’aucune mauvaise intention. En particulier pas celle de trahir sa maman et surtout son papa.
– Le dialogue : le père, avec un léger ton de reproche, lance à son fils : « alors comme ça tu es banquier ! Et en plus, on l’apprend par la boulangère ! ». Le propos est ponctué d’un geste viril – mais pas vulgaire – signifiant « ça me (nous ?) fout les boules ».
Le fils lui répond, blasé semble-t-il (il a l’habitude des gentilles remontrances de papa) : « mais non, papa, je suis sociétaire-client, blablabla ».
Le père ne le croit pas et s’adresse, un rien énervé, à son épouse : « ah ! Tu vois, il est banquier ! ».
Mais elle, elle ne dit rien. Elle ne participe pas à une discussion d’hommes, que d’ailleurs elle risquerait de ne pas comprendre. L’argent, c’est une affaire d’hommes. Elle, elle a des fleurs à mettre dans un vase et un plat à sortir du four.
Ce que la pub veut montrer : un gentil conflit de générations. Le père ne connaît pas (encore) les nouvelles modalités proposées par sa banque, qui est aussi celle de son fils. Le Crédit Mutuel a décliné plusieurs spots sur le même thème : une banque familiale n’est pas forcément ringarde. Il faut être moderne (sic). Oui mais voilà : les protagonistes sont toujours un père et son fils. Le fils est au fait des dernières nouveautés, alors que le père a un train de retard. La mère, elle, doit sûrement faire la cuisine ou passer l’aspirateur.
Ce que la pub fait en réalité : elle perpétue les stéréotypes sexistes (ici : la mère, la ménagère).
Mais bon, où est le problème ?