Le Bloc Identitaire crée un site sur Mohamed Mérah
Publié le 28 mars 2012Le Bloc Identitaire – à l’instar de l’extrême droite en général – continue sa stratégie de propagande via Internet. Ça ne coûte pas cher et c’est mobilisateur.
Voici l’adresse de son nouveau site : http://www.mohamed-merah.info/ Allez-y vite parce que quelque chose me dit que les idées qui y sont exposées vont avoir du mal à être renouvelées (c’est déjà un peu le cas).
Vous pouvez aussi y commander des autocollants et des affiches à coller partout, dont le slogan est : « Mohamed Mérah, chance pour la France ? », en référence au livre de Bernard Stasi, L’immigration, une chance pour la France.
Le site explique que Mohamed Mérah était avant tout un Algérien (il avait la double nationalité). Là dessus, rien de très original, on sait que pour certains, les Français par droit du sol restent des étrangers toute leur vie ; cette assignation peut viser à expliquer leur prétendue haine collective de la France.
On y lit également que « Non, Mohamed Merah n’était pas un ‘jeune comme les autres’». Qui en doutait ? Mais aussi qu’il va créer une mode, comme une star de cinéma : « serait-il en passe de remplacer Scarface dans l’imaginaire criminel des jeunes racailles ? » Déjà moins crédible. Mais le mot est lâché : « racaille ». Mohamed Mérah est lui-même, un peu plus loin, défini comme une « racaille », ce qui a peut-être pour but de le banaliser, lui (dans son parcours familial et judiciaire) et ses meurtres : en le décrivant comme un petit délinquant, le Bloc Identitaire avance-t-il entre les lignes que tous les petits délinquants (musulmans et/ou « d’origine étrangère ») sont des meurtriers racistes et fanatiques et puissance ? La ficelle est un peu grosse mais la subtilité n’est pas le fort du Bloc Identitaire.
Voilà du reste que l’amalgame se précise : « son parcours – du délinquant multirécidiviste au fanatique islamiste – retrace celui de nombreux jeunes issus de l’immigration arabo-musulmane ou afro-musulmane ». La petite délinquance conduirait-elle donc au meurtre raciste ?
Et cela continue : « certains voudraient nous faire croire que l’immigration serait toujours et uniquement une chance pour la France ? ». On saisit mal le rapport – et encore moins le lien de cause à effet – entre l’immigration (en général ou seulement celle d’Afrique du Nord ?) et les actes de Mérah. Le rapport, si rapport il y a, pourrait plutôt être à chercher dans le fait que justement, il a toute sa vie non pas été un immigré mais vu comme un immigré.
Ce n’est pas tout : « et pourtant certains voudraient continuer d’empêcher par tous les moyens un débat politique sérieux sur la préservation de notre modèle de société, de notre identité et de notre sécurité face à l’immigration massive et incontrôlée ? ». Nous y voilà. Le problème, ce sont les immigrés, qui sont des délinquants, et les musulmans (étrangers ou pas, voir plus haut), qui menacent l’identité française… On aimerait une petite définition de cette fameuse « identité française » mais ce n’est pas facile, eh non… !
« Il faut désormais reprendre la lutte ». Contre qui ? Les meurtriers fanatiques ou les musulmans ? On ne nous le dit pas.
Bref, plus qu’une dénonciation du terrorisme islamiste (et a fortiori du terrorisme en général), ce site est donc une occasion facile et prévisible de publicité pour le Bloc Identitaire : à la fin de chaque post, on vous donne les adresses e mail, twitter et facebook, et non pas un, mais deux numéros de téléphone de l’organisation – au cas où ça sonne occupé sur le fixe (disponible de 9h à 20h), vous pouvez appeler un portable (toute la nuit, peut-être ? Car n’oubliez pas que la France est menacée, qu’il y a urgence).
Bref, une instrumentalisation et une récupération politiques en bonne et due forme. C’est pourquoi j’aime particulièrement cette phrase : « l’exploitation politique de l’émotion suscitée par ces meurtres par certains candidats à la Présidentielle ou par leurs soutiens témoigne d’un cynisme insupportable ». Là-dessus, on ne peut qu’être d’accord ! Inénarrable extrême droite… On s’ennuierait presque sans elle. Presque.