« Every kind of people »… ou presque

Il y a quelques jours, Mohamed, lycéen, commence un stage de télévendeur dans une petite entreprise des Ardennes. Il accuse aujourd’hui sa direction de l’avoir obligé à adopter, lors de ses contacs avec les clients, un prénom jugé « plus français », en l’occurrence Alexandre – par ailleurs, comme on le sait, d’origine grecque.

Comme il a refusé, il aurait, dit-il, été remercié. Précisons que l’entreprise en question conteste ces allégations, arguant du fait que demander aux vendeurs par téléphone de changer de prénom serait une pratique courante, censée « préserver leur identité et ainsi éviter de s’exposer personnellement » (d’après Le Figaro). Ce serait pour leur bien, donc, et non pas pour celui de leur employeur…

Effectivement, les plateformes téléphoniques rebaptisent régulièrement tous leurs employés du même prénom passe-partout (un pour les hommes, un pour les femmes – le biais de genre est conservé). (L’auteure de ses lignes l’a elle-même vécu à la fin des années 1990, lorsque, alors étudiante, elle occupait un job de télévendeuse…).

Depuis quelques années, en France, plusieurs employeurs, notamment dans l’intérim, ont été condamnés pour discrimination raciale, souvent à cause de leur fichier du personnel, honteusement – et maladroitement – codé « BBR » (Bleus-Blancs-Rouges) ou encore « Whites (only) ». Les explications avancées, qui sont censées avoir valeur de légitimation, par les organisations mises en cause, reviennent fréquemment à « l’argument » selon lequel elles ne sont pas racistes mais que ce sont les clients qui « préfèreraient » avoir à faire à des « Blancs ».

Or, cela ne change rien à l’affaire : c’est tout aussi illégal, comme le rappellent à intervalles réguliers les tribunaux. 

Et c’est aussi lorsque les entreprises cesseront de céder aux (éventuelles) réticences de leur clientèle à être face à des Mohamed plutôt que des Alexandre que la société évoluera vers plus de tolérance. 

N.B.: En grec, Alexandre veut dire « celui qui repousse l’ennemi »…