L’affaire des « nègres » de J.-P. Guerlain entache la politique de valorisation de la diversité de LVMH

Lundi 18 octobre, la société Guerlain a publié et adressé à la presse le communiqué suivant : « [Nous avons] pris connaissance avec consternation des propos inadmissibles tenus par Jean-Paul Guerlain et les condamne avec énergie. Jean-Paul Guerlain, âgé de 73 ans, n’est plus actionnaire de Guerlain depuis 1996. Il n’en est plus le salarié depuis 2002. Ses propos sont à l’opposé de la culture, des valeurs et de l’éthique pratiquées par l’entreprise qui promeut la diversité des talents de toutes origines dans le monde entier ». 

En évoquant, le 15 octobre dernier, sur le plateau du 13 heures de France 2, le « travail des nègres », Jean-Paul Guerlain aurait pourtant bien dû s’attendre à susciter un tollé. Depuis, appels au boycott des produits de la marque et manifestations devant son siège se multiplient, de même que les dénonciations les plus vives émanant de journalistes, intellectuels, militants et personnels politiques. Les excuses qu’il a prononcées ne semblent pas avoir calmé les esprits.

Mais le malaise ou – si l’on peut dire – la (grosse) bourde ne s’arrête pas là. Car à l’instar de la plupart des entreprises multinationales françaises, LVMH, dont Guerlain fait partie, a signé la Charte de la diversité (élaborée en 2004 par Claude Bébéar et Yazid Sabeg), ainsi que la Charte d’engagement des entreprises au service de l’égalité des chances dans l’éducation (initiée par le Ministère de l’Éducation nationale). De quoi s’agit-il ? Promouvoir la diversité – de genre, de diplôme ou encore d’origine ethnique – dans le personnel du groupe, mais aussi s’adapter à une clientèle davantage plurielle parce que mondialisée.

Un petit tour sur le site internet de LVMH nous apprend en effet que ce dernier se dit « naturellement très ouvert sur le monde. Son implication historique dans le développement économique et les nouveaux modes de distribution et de consommation, son développement géographique, son ambition créative et sa diversité contribuent à une culture de responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Pour LVMH, délivrer une part de rêve et de plaisir n’exonère d’aucune responsabilité et impose au contraire de viser l’exemplarité. Les pratiques se doivent de respecter les standards les plus élevés d’intégrité, de responsabilité et de respect de tous, ceci au quotidien et partout dans le monde.LVMH a pris l’engagement de favoriser l’épanouissement et les aspirations professionnelles de tous ses collaborateurs, de valoriser la diversité et la richesse humaine de ses Maisons dans tous les pays où le Groupe est présent ».

« Exemplarité », « ambition », « responsabilité », mais aussi « rêve » riment donc avec « diversité » et « respect de tous ». Le contraste avec les quelques phrases de lancien « nez » de Guerlain est grand : il est certain que le mot « nègres », sans parler du signe – au sens de Barthes – auquel ce terme issu de lesclavage renvoie sapent (quoique, probablement, très provisoirement) cette image d’ouverture et de tolérance… Un mythe contre un autre ?