Interviewée par Europe 1 dans « La matinale » sur les violences à Baltimore, le 29 avril 2015

Baltimore-1280Le 29 avril 2015, j’étais l’invitée de Maxime Switek dans la matinale d’Europe 1, pour analyser les émeutes à Baltimore.

J’ai notamment été interrogée sur la spécificité de la ville de Baltimore : peuplée d’environ 600 000 habitants, elle compte deux tiers d’Afro-Américains. La maire elle-même est afro-américaine. Néanmoins, la communauté de noire de Baltimore connaît un taux de chômage de plus de 50%, et l’espérance de vie est de 68 ans (10 ans de moins que la moyenne aux USA). Un autre élément concernant Baltimore est que, depuis 2011, il y a eu une centaine d’affaires de violence policière, qui n’ont pas nécessairement fait des morts, mais souvent des blessés graves. Certains ont été indemnisés : la municipalité a payé des millions de dollars aux victimes. C’est donc une ville où la population n’a pas confiance dans sa police, et cela aussi explique les émeutes. Les violences urbaines, ou « raciales », quelle que soit la manière dont on les qualifie, sont aussi des violences du désespoir.

Plus globalement, aux Etats-Unis, si certaines inégalités entres les Noirs et les Blancs (caucasiens) se sont amenuisées (espérance de vie, éducation), d’autres se sont aggravées (économie). Les foyers noirs gagnent environ 60% de ce que gagnent les foyers blancs, et ce chiffre n’a que peu augmenté depuis 40 ans. La crise des subprimes a fortement creusé les inégalités de patrimoine entre Noirs et Blancs, et les Afro-Américains ont été plus touchés par la crise économique de 2008. La probabilité d’être au chômage reste pour eux deux fois plus importante que chez les Caucasiens (13% contre 6%).

Plus : les inégalités se sont aggravées sous Obama, qui a mené une politique largement en faveur des classes moyennes, et peu en faveur des plus pauvres (sauf l’extension de Medicaid dans la loi sur la santé). Il existe aux Etats-Unis une classe moyenne noire mais on déplore un appauvrissement des plus démunis.

Le stéréotype « racialisé » du Noir dangereux est par ailleurs très présent dans la police, qui a souvent un sentiment d’impunité (bien que ce soit beaucoup plus vrai dans le cas de Ferguson que dans le cas de Baltimore). Par ailleurs, il n’y a pas nécessairement davantage de bavures policières qu’avant, mais désormais certaines sont filmées par des téléphones portables et les réseaux sociaux font le reste : cette violence ne peut plus être cachée.

Le 28 avril 2015, le Président Obama s’est exprimé pour dire que la nation américaine devait faire son mea culpa quant aux violences à Baltimore ; il a ajouté que les émeutiers n’avaient aucune excuse. Juriste, homme de compromis, Obama a rêvé d’une société post-raciale mais son vœu n’a pas été exaucé. La communauté afro-américaine, pour laquelle la présidence Obama était une occasion unique, est aujourd’hui très déçue.

(Crédit photo : Europe 1)