Militantisme anti-raciste : quels points communs entre la France et les Etats-Unis ?

TRIBUNE parue dans le "Huffington Post", le 6 juillet 2015.

Le 5 juillet dernier était projeté à la Bellevilloise, à Paris, le documentaire de Rokhaya Diallo, « Les marches de la liberté », qui relate le parcours de jeunes entrepreneurs et activistes noirs aux Etats-Unis et leur rencontre en 2013, en France, avec des responsables politiques et des associations de lutte contre les discriminations et les violences « raciales ».

Après le film s’est tenu un débat sur le militantisme anti-raciste en France et aux Etats-Unis, en présence de membres du collectif « Stop le contrôle au faciès » et de jeunes activistes américains de Ferguson. Ces derniers ont témoigné de leur volonté de s’engager suite au meurtre, en août dernier, de Michael Brown, un adolescent de 18 ans tombé sous les balles d’un policier blanc, Darren Wilson, lequel sera finalement innocenté par la justice. Un sentiment profond d’injustice les a incités à se faire entendre, via les médias communautaires et les réseaux sociaux. Le traumatisme causé par la mort de Michael Brown, par le fait qu’il ait été laissé 4 heures gisant sur le sol sans que la police ne laisse approcher son corps, mais aussi par la répression des manifestations pacifiques (déploiement démesuré des forces de polices surarmées, utilisation de chiens pour faire peur aux participants) a été un déclencheur. Leur modus operandi sera repris par d’autres après la mort d’Eric Garner, de Walter Scott ou encore de Freddie Gray: les hashtags, les vidéos et le live-tweeting sont de véritables armes.

Quand on leur parle du Président des Etats-Unis, ils répondent, désabusés: « Obama? Il fait partie du système ». Qu’ils soient étudiants, employés, artistes, les jeunes Afro-Américains sont attachés à leur communauté locale et veulent s’engager pour elle: ils mènent des actions pédagogiques auprès des enfants et des adolescents dans leurs quartiers respectifs (cours du soir, apprentissage du codage informatique, etc.). Pour reconstruire une fierté, une force communes face aux humiliations et aux conservatismes.

Quant aux membres de « Stop le contrôle au faciès », qui viennent de gagner un procès contre l’Etat français pour discrimination policière, ils ont expliqué s’être inspirés du « community organizing » américain afin d’être plus efficaces et de faire de leur combat une vraie lutte collective. Les militants anti-racistes français et américains ont ainsi en commun de ne pas avoir confiance dans les institutions politiques: seules les mobilisations de terrain peuvent faire bouger les choses, disent-ils. Des deux côtés de l’Atlantique, un mouvement est peut-être en train d’être enclenché.