Invitée en plateau de BFM TV sur la fusillade à San Bernardino, les 2 et 3 décembre 2015

BFMLes 2 décembre au soir et 3 décembre en matinale, j’étais invitée par BFM TV pour commenter la fusillade dramatique de San Bernardino, en Californie. Nous avons évoqué l’hypothèse d’un attentat terroriste (terrorisme intérieur contre l’Etat américain ou terroriste islamiste).

Les discussions se sont essentiellement concentrées sur le port d’armes aux Etats-Unis. Dans ce pays, 300 millions d’armes à feu sont en circulation, soit environ une par habitant. Par ailleurs, elles y causent la mort de plus de 30.000 personnes chaque année (meurtres, suicides ou accidents impliquant notamment des enfants), ce qui est plus que les décès dus au SIDA, à l’usage de drogues, à la guerre et au terrorisme (11 septembre, attentat de Boston, etc.) réunis (si l’on prend les données de 2001 à 2013).

Je consacre un sous-chapitre de mon livre, « Le nouveau visage des droites américaines », à ce thème. S’il est vrai que le sujet oppose les Républicains au président Obama, les Démocrates sont eux-mêmes divisés, en partie pour des raisons financières. La National Rifle Association (NRA), le principal lobby pro-armes, est en effet très influent auprès des politiques car il participe au financement des campagnes électorales. Il compte de nombreux partisans dans tout le pays chez les citoyens, les corps intermédiaires ou le secteur marchand. Dans certains États fédérés, une nuit est offerte à tout membre de la NRA dans une chaîne d’hôtels célèbre. Pour nombre d’Américains, le droit au port d’armes, garanti par le deuxième amendement de la Constitution, ne doit pas être remis en cause, quels que soient les drames qui peuvent survenir. Au contraire, ceux-ci sont la preuve que chaque Américain doit être en mesure de garantir sa sécurité en toutes circonstances.

Cependant, le sujet est de plus en plus clivant dans la société américaine. Les opposants au libre port d’armes gagnent du terrain. Ainsi, l’homme qui, en janvier 2011, à Tucson en Arizona, a tué six personnes et blessé grièvement une représentante démocrate, Gabrielle Giffords, a fortement divisé le pays. Il en est allé de même à l’école de Sandy Hook près de Newtown, dans le Connecticut, en décembre 2012, où vingt enfants et six adultes ont perdu la vie. La question est sans cesse reposée : le droit de se défendre soi-même passe-t-il avant le risque qu’un déséquilibré ou un criminel se trouve en possession d’un fusil ou d’un pistolet ?

Favorable à des restrictions en matière de possession d’armes à feu, notamment chez les personnes déficientes mentales, le président Obama n’a pas eu la possibilité de peser sur la législation. Il a besoin de l’aval du Congrès, qu’il n’a jamais pu obtenir. Aux yeux de ses adversaires les plus virulents, notamment chez les libertariens, il ne fait que prouver son mépris pour les traditions et les valeurs de l’Amérique.

Toutefois, les partisans d’une plus grande limitation du port d’armes mettent en place des actions de terrain sur le modèle du militantisme en faveur du mariage homosexuel qui a porté ses fruits. Ils souhaitent que des dispositions légales ou administratives soient prises au niveau des Etats fédérés (ne plus pouvoir porter une arme dans un lieu public, par exemple) et misent sur le soutien croissant, dans la population, en faveur d’un contrôle renforcé du passé criminel (background checks) et de la santé mentale des individus qui achètent des armes, notamment dans les ventes d’occasion et les brocantes (très peu contrôlées). Leur stratégie consiste aussi à faire évoluer le vocabulaire : ils parlent davantage de « gun safety » que de « gun control ».