INTERVIEW pour « La Libre Belgique » sur l’extrême droite aux USA (« Alt-right »)

image001« Alt-right », nouvel allié controversé du milliardaire Trump. Interview réalisée le 28 août 2016 pour le site de « La Libre Belgique ».

Toutes les politiques soutenues par Hillary Clinton ont déçu et trahi les communautés de couleur de ce pays » , déclarait jeudi le candidat républicain Donald Trump, dans l’espoir d’arracher quelques voix aux minorités du pays et de se débarrasser de son étiquette de « raciste » pour la coller sur le front de son adversaire.

Quelques jours plus tôt, le même Trump choisissait pourtant comme directeur de campagne Stephen Bannon, qualifié par l’agence Bloomberg comme « l’homme politique le plus dangereux d’Amérique ». Né à Norfolk en Virginie, ce dernier a d’abord été banquier d’affaires chez Goldman Sachs dans les années 80. C’est alors qu’il « a construit sa popularité sur le rejet du système et des puissants », observe Marie-Cécile Naves, auteure du livre « Trump, l’onde de choc populiste ». « Aussi, il fait partie de ces grands animateurs radio, télé, Internet qui sont mus par l’idée que, si un Noir arrive à la Maison-Blanche, c’est la fin de tout. »

En effet, Stephen Bannon a cofondé en 2007 le site « Breitbart News », dont il a pris la tête en 2012. Sous sa direction, cette plateforme est devenue un lieu de pèlerinage d’une mouvance connue – ou plutôt récemment découverte par le grand public – sous le nom de « Alt-right ».

Peur du multiculturalisme

« Ce terme est une invention médiatique pour désigner des gens antimulticulturalistes qui pensent que les Blancs sont en train de devenir minoritaires dans leur pays », explique Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite.

Le « Alt-right » est donc une sorte de « fourre-tout », où se mélangent « des antisémites, des antimusulmans, des anti-Afro-Américains, qui ne sont donc pas nécessairement d’accord sur tout », explique Mme Naves. Selon Jean-Yves Camus, « il y a d’ailleurs un grand débat au sein de cette sphère pour savoir si les juifs sont ou non des Blancs, et si les juifs conservateurs pourraient donc être des alliés ».

Plus de visibilité

Si ce mouvement désorienté et raciste était plutôt confiné aux recoins sombres du Web, il se retrouve propulsé au-devant de la scène depuis qu’il a infiltré l’entourage du candidat républicain. Hillary Clinton a d’ailleurs mis en garde contre « ce mouvement de haine, colportant le fanatisme, les préjugés et la paranoïa » que Donald Trump veut « intégrer dans le mainstream ».

Si, récemment, le milliardaire s’est quelque peu écarté de sa ligne droite anti-immigration, allant jusqu’à faire preuve d’une certaine modération dans ses propos – du moins par rapport au ton habituel de ses discours -, son rapprochement avec Bannon en dit long sur son choix de stratégie politique. « Après la Convention de Cleveland, on se disait qu’il allait tenter d’élargir son électorat, composé d’hommes blancs très conservateurs. Mais, finalement, il va tout miser sur le cœur de l’électorat conservateur. Et c’est un pari risqué. Ou alors c’est simplement de la paresse intellectuelle, puisque se renouveller demande de la réfléxion », ironise Mme Naves.

A moins que Trump n’ait pas pour objectif de gagner l’élection ? Son flirt avec « Alt-right » n’a fait que renforcer l’hypothèse circulant depuis quelque temps aux Etats-Unis « selon laquelle Trump lui-même n’aurait pas envie de prendre le pouvoir, mais seulement de diffuser ce type d’idéologie », rappelle Mme Naves.

(Crédit photo : site de LaLibre.be)