INTERVIEW. « Succès des Marches des femmes », pour L’Express.fr

marche-des-femmes-a-londres_5783679Plus de deux millions de personnes ont participé samedi aux Etats-Unis aux Marches des femmes organisées contre Donald Trump. Selon Marie-Cécile Naves, « l’ampleur de cette mobilisation est surprenante ». Interview publiée dans l’Express.

Bonnet rose sur la tête, plus de deux millions de personnes, femmes surtout, ont participé samedi aux Etats-Unis aux Marches des femmesorganisées pour la défense des droits civiques et contre Donald Trump. De nombreux rassemblements ont également eu lieu à travers le monde.

Si beaucoup d’Américains avait fait le déplacement motivés par la peur de la remise en cause du droit à l‘avortement, les slogans incluaient aussi la tolérance pour les minorités, l’accès à la contraception et la défense du planning familial, la protection de l’environnement, l’accueil des réfugiés… Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’Iris et auteure de Trump: l’onde de choc populiste, analyse cette mobilisation.

Ces manifestations vous ont-elles surprise ? 

Non, elles ne sont pas surprenantes compte tenu des propos extrêmement choquants tenus par Donald Trump à propos des femmes pendant toute sa campagne, mais aussi du programme très rétrograde et ultra conservateur de son vice-président et de son gouvernement concernant leurs droits, comme la remise en cause de l’avortement ou l’arrêt des subventions au planning familial.

En revanche, l’ampleur de cette mobilisation est surprenante, notamment aux Etats-Unis avec deux millions de manifestants à travers le pays et à l’étranger: 100 000 manifestants à Londres, des milliers à Paris.

Ces mouvements pourraient-ils converger ? 

Non, je ne pense pas. En réalité, le 21 janvier se situe à la veille de la journée des manifestations anti-avortement qui ont lieu chaque année pour protester contre l’arrêt de 1973 de la Cour suprême sur l’avortement aux Etats-Unis. Et s’il est vrai que dans tous ces pays il y a une tentation de revenir en arrière, comme en France avec François Fillon et sa politique familiale ultra-conservatrice, sa proximité avec Sens commun et la Manif pour tous, ou en Angleterre avec le Brexit, il reste très compliqué de se fédérer au niveau international.

Mais, ce qui est intéressant est que les réseaux sociaux alimentent l’existence d’une communauté qui lutte pour les droits des femmes. Ainsi, ces manifestations construisent une dynamique et envoient un message à tous les gouvernements occidentaux qui dit: « Nous restons vigilants ».

L’élection de Donald Trump peut-elle favoriser une convergence des mouvements féministes américains ?

Cette élection bouleverse tout le militantisme aux Etats-Unis. Pour le mouvement féministe, elle est en particulier l’occasion de lever certaines contradictions. Car outre-Atlantique, surtout avec la campagne d’Hillary Clinton, ce mouvement est souvent associé aux femmes blanches issues des classes aisées. Du coup, pour certains, il ne prendrait pas suffisamment en compte les inégalités raciales et sociales.

Une partie du mouvement féministe américain est également vu comme très démodé par la jeunesse: il ne se préoccuperait pas des questions environnementales, internationales et des jeunes justement. Les mobilisations de samedi sont donc l’occasion pour le parti démocrate de se mettre à jour et pour tous les mouvements féministes de se fédérer.

Ces mouvements féministes pourraient-ils se rapprocher d’autres combats aux Etats-Unis ?

Oui tout à fait, comme avec Black Lives Matter, ce mouvement de la jeunesse afro-américaine qui combat le racisme envers les Noirs. Cette jeune génération de militants pourrait trouver un terrain d’entente avec les militants féministes.

Ce qui est certain, c’est que les manifestations de samedi ont réuni des citoyens de tous âges, des militants des années 1960 comme des jeunes, de toutes les communautés, blanche, afro-américaine, asio-américaine ou hispanique, et de toutes les classes sociales. Les manifestants ont trouvé un ennemi commun: Donald Trump.

Donc cela peut être une force, notamment pour le parti démocrate s’il réussit à renouveler son logiciel sur les combats féministes. Pour Donald Trump, le risque est qu’il soit pris à son propre piège. Lui qui promet de rompre avec la démocratie indirecte et de donner le pouvoir au peuple pourrait être déstabilisé s’il méprise trop ces mouvements populaires.