INTERVIEW. « Discours au Congrès : Trump dit tout et son contraire », pour L’Express.fr

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Dans sa première adresse depuis le Capitole, le nouveau président américain a surpris par un discours plus consensuel et policé que de coutume. Il n’en est pas moins resté sur ses fondamentaux. L’analyse de la politologue Marie-Cécile Naves. Interview publiée le 1er mars 2017 sur le site de L’Express et réalisée par Catherine Gouëset.

En quoi l’adresse de Trump au Capitole a-t-elle été différente de ses précédents discours ?  

Pour une fois, il a employé un ton nettement plus policé et volontairement consensuel, de séduction. Il a appelé à dépasser les « petits conflits », en allusion aux tensions entre démocrates et républicains et entre lui et le parti républicain. Cela contrastait avec son discours d’investiture très clivant, le 20 janvier. Autre nouveauté, Trump a exhorté les Américains à être optimistes, promettant le « renouveau de l’esprit américain ». C’est pourtant lui qui depuis le début de sa campagne, dresse un tableau des plus sombres de son pays, fustigeant le désordre, le chaos, la peur.

Enfin, pour une fois, il s’est abstenu d’invectiver les médias.

Que dit ce discours de sa relation à venir avec le Congrès ? 

Le président a ménagé les législateurs, laissé entendre qu’il souhaitait travailler en bonne entente avec eux. Il a rendu hommage à l’orthodoxie républicaine, alors qu’il a souvent pris le parti à rebrousse-poil depuis le début de sa campagne. Il n’a de toute façon pas le choix, puisque c’est le Congrès qui devra valider ses grandes mesures et voter leur financement.

À l’inverse, le parti républicain est aussi obligé de faire avec lui. Trump lui a d’ailleurs déjà donné des gages depuis le 20 janvier avec ses annonces de baisses d’impôts et de charges pour les entreprises, et les mesures de dérégulation financière et environnementale. Quand les législateurs entreront dans le vif du sujet, pourtant -la mise en application de la réforme fiscale ou le tricotage de l’Obamacare, notamment- les relations avec la Maison Blanche risquent d’être plus compliquées. Trump est d’ailleurs resté très vague au sujet de l’assurance santé, après avoir semblé découvrir, il y a quelques jours, que le système de santé, c’était « incroyablement complexe« .

S’est-il montré convaincant ? Il a donné peu de détails concrets sur sa stratégie… 

Il en est resté à un discours incantatoire, des considérations générales, appelant à l’émergence d’une nouvelle « fierté nationale », à plus de fermeté sur l‘immigration ou à une réforme fiscale « historique ». Tout en assurant l’Otan de son « soutien », il a répété son antienne: « Mon boulot ne consiste pas à représenter le monde. Mon boulot consiste à représenter les Etats-Unis d’Amérique ».

Avare de détails, il a seulement précisé vouloir des investissements dans les infrastructures pour un montant d’un milliard de dollars – en plus de la hausse de près de 10% des dépenses militaires annoncée deux jours plus tôt. Avec quels moyens? Il s’est contenté de dire que ces grands travaux seraient financés grâce à « des capitaux à la fois publics et privés ». Pas sûr que cela convainque tout le monde au Congrès.

Son message sur l’immigration était-il en phase avec ses discours précédents ?

Donald Trump a retrouvé une tonalité agressive, calquée sur la ligne de ses conseillers les plus radicaux, Steve BannonStephen Miller et Jeff Sessions. Un peu plus tôt pourtant, il avait esquissé un programme plus libéral. Mais la « réforme positive » de l’immigration, annoncée au Congrès, évoquant même un compromis avec les démocrates, ne rompt pas avec sa ligne dure.

Le problème avec Trump est qu’il dit tout et son contraire, qu’il change de discours en fonction du public auquel il s’adresse. Il sait que les milieux d’affaires, en particulier le high tech, sont, eux, partisans d’une réforme libérale parce qu’ils ont besoin de cette main d’oeuvre. On a l’impression que Trump n’a pas de conviction et peine à gérer celles des différents cercles de conseillers autour de lui. Cela laisse beaucoup d’incertitude sur la relation qu’il établira dans la durée avec le Congrès.