Trump à Paris le 14 juillet. Le storytelling franco-américain de la guerre et de la paix

L’invitation, par le Président de la République, de Donald Trump pour le défilé militaire du 14 juillet nourrit l’histoire franco-américaine de la construction de la paix, hier en Europe, aujourd’hui au Moyen-Orient.

« Notre histoire nous dépasse. La vie de nos pays nous dépasse ». Le 13 juillet dernier à l’Elysée, Emmanuel Macron introduisait par ces mots son allocution devant la presse, aux côtés de Donald Trump, en visite officielle à Paris pour deux jours. Malgré les fortes divergences, les anciennes attaques de campagne, les nombreuses différences entre les deux hommes, c’est donc le passé commun de la France et des États-Unis qui doit, selon le Président français, servir de base à leur action commune. Trump et Macron ont en effet affiché leur souhait de travailler ensemble sur le même agenda dans les prochains mois, malgré – ou peut-être en raison de – plusieurs désaccords profonds.

La lutte contre le terrorisme islamiste au Moyen-Orient et en Afrique, la résolution du conflit en Syrie et en Irak mettent les deux hommes d’accord. L’avenir dira s’il en est de même sur la stratégie. L’utilisation d’armes chimiques par Assad déclencherait des représailles de la part de la France comme des États-Unis, mais Emmanuel Macron, plus soucieux de multilatéralisme que son homologue américain, a précisé que la construction des conditions de paix en Syrie et en Irak se ferait en lien avec l’ONU. Il s’agit aussi pour lui de mettre autour de la table les représentants du régime syrien comme ceux de l’opposition. Considérer Bachar el-Assad comme un interlocuteur s’affiche comme un changement de doctrine mais François Hollande, dans les derniers mois de son mandat, ne faisait plus lui-même du départ du dictateur une condition sine qua non de négociation. En parlant de trouver « une solution politique inclusive », l’actuel président français entend par ailleurs ne pas commettre la même erreur que Nicolas Sarkozy en Libye – l’intervention militaire non préparée avait conduit au chaos dans le pays.

UNE PROMESSE DE COOPÉRATION

La sécurité, et en particulier la cybersécurité semble également être un point de convergence entre Donald Trump et Emmanuel Macron mais le précédent des écoutes, par la National Security Agency (NSA) américaine, des trois précédents présidents de la République ainsi que de plusieurs responsables de haut niveau (ministres, conseillers, etc.) français, est dans toutes les mémoires. Les relations diplomatiques entre la France et les États-Unis en avaient été quelque peu refroidies.

Par ailleurs, si Emmanuel Macron a rappelé que Donald Trump et lui travaillaient ensemble sur la promotion d’un commerce libre et équitable, en visant en particulier le dumping, on attend toujours de savoir quelles seront les décisions de Washington en matière de protectionnisme, contre l’Europe – notamment l’Allemagne -, la Chine ou encore le Mexique. On en reste pour l’heure aux déclarations d’intention.

En voulant faire de la France un interlocuteur de premier plan, en tout cas un acteur dont la voix est écoutée et respectée dans le monde, en invitant Vladimir Poutine puis Donald Trump à Paris pour des dialogues en tête-à-tête, Emmanuel Macron réaffirme une volonté de rupture par rapport à son prédécesseur.

Le climat constitue le principal point de désaccord. C’est en particulier sur ce sujet que le président américain, qui veut à la fois plaire à sa base électorale et ne pas s’aliéner les lobbies de l’énergie, nourrit son isolement sur la scène internationale. Le message d’Emmanuel Macron, le 13 juillet dernier, était qu’il faut continuer à travailler avec les États-Unis. Pousser Donald Trump à infléchir sa position est à ce stade improbable tant la non-régulation climatique est un enjeu de politique intérieure américaine. Et ce d’autant que Donald Trump ne cache pas son obsession de faire le contraire d’Obama et revenant sur ses décrets environnementaux. Néanmoins, le chef de l’Etat français semble refuser tout fatalisme, en s’efforçant d’expliquer à son homologue les liens, bien réels, entre terrorisme et réchauffement climatique.

Cette rencontre des 13 et 14 juillet, ponctuée d’accolades, de mains serrées, de rappels de l’amitié franco-américaine – avec le « dîner entre amis » à la Tour Eiffel -, mais qui n’a rien à voir, cependant, avec la relation, beaucoup plus forte, qui lie Emmanuel Macron et Angela Merkel, se justifiait par la commémoration du centenaire de l’engagement des États-Unis auprès des alliés dans la Première guerre mondiale, en 1917. Outre la présence de Donald Trump au défilé des forces armées du 14 juillet, sa visite à l’hôtel des Invalides avec accueil de la garde d’honneur, fanfare et hommage au Maréchal Foch et à Napoléon, jette aussi les bases d’un storytelling franco-américain de la guerre et de la construction des conditions de paix. Hier en Europe, aujourd’hui au Moyen-Orient.

Lors de la conférence du presse du 13 juillet, Donald Trump a parlé de la France comme d’un « beau pays », doté d’une « grande histoire », et a rappelé la construction commune, depuis le XVIIIe siècle, de la démocratie, ainsi que les « batailles inoubliables de la Première Guerre mondiale » – on pourrait y ajouter la Deuxième Guerre mondiale -, le « sang versé en commun ». À propos de son hôte français, il a eu ces mots : « vous avez un président fantastique qui a du cran. C’est un dur ». Autrement dit : un chef, comme lui se considère.

LE FORCE ET L’AUTORITÉ

En voulant faire de la France un interlocuteur de premier plan, en tout cas un acteur dont la voix est écoutée et respectée dans le monde, en invitant Vladimir Poutine puis Donald Trump à Paris pour des dialogues en tête-à-tête, Emmanuel Macron réaffirme une volonté de rupture par rapport à son prédécesseur. Il a rappelé plusieurs fois qu’il souhaitait s’inscrire dans une ligne gaullo-mitterrandienne et non atlantiste en politique étrangère, donnant là les signes d’une volonté de dialogue, de collaboration avec un président américain très impopulaire à l’international, mais sans concessions. Ce faisant, le Président de la République, en surfant sur l’histoire longue commune de la France et des États-Unis, se pose en conciliateur, mais aussi en grand leader européen, avec peut-être, à terme, l’ambition plus grande de devenir le chef de file du monde libre.

La page de la guerre en Irak de 2003 est tournée mais la force et l’autorité sont omniprésentes, dans les gestes comme dans les mots. La poignée de mains à Bruxelles en marge d’une réunion de l’OTAN, le 25 mai dernier, qualifiée par Emmanuel Macron de « moment de vérité », ne signifiait rien d’autre que : « nous pouvons travailler ensemble, comme on se sert la main, sans lâcher du terrain ». Du reste, l’expression « Make our planet great again », qui renvoie à un programme de recherche français, pourrait être vue comme une provocation de l’autre côté de l’Atlantique. C’est avant tout un défi posé à l’imprévisible Donald Trump. Une fois de retour aux États-Unis, celui-ci a déclaré à la presse qu’Emmanuel Macron « adore [lui] tenir la main ». Ce séjour officiel à Paris lui permet de communiquer à ses supporters qu’il bénéficie d’une aura internationale. Ils sont les seuls à le croire.

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