La politique anti-viriliste de Jacinda Ardern

« Jacinda Ardern Has Rewritten the Script for How a Nation Grieves After a Terrorist Attack », écrit Masha Gessen dans Le New Yorker.

Dans une Nouvelle-Zélande pétrifiée par l’attentat commis par un suprémaciste blanc dans deux mosquées de Christchurch qui a fait 50 morts et de nombreux blessés le 15 mars dernier, la première ministre progressiste de Nouvelle-Zélande, à rebours des récits majoritaires fondés sur le conflit, la guerre et la vengeance, choisit une riposte politique, sur le fond et dans le style et la communication, qui est non-viriliste.

Non pas qu’il découle de sa « nature » de femme de rechercher la paix et la bienveillance. Mais parce qu’elle décide ne pas répondre à la violence par la violence. Sa rhétorique n’est ni celle de la guerre, ni celle de la vengeance. Ardern ne tombe pas dans le piège du « nous » contre « eux » que les terroristes, quels qu’ils soient, tendent à leurs victimes, à celles et ceux qu’ils définissent comme leurs ennemi.e.s.

Ardern, qui a refusé de désigner le terroriste suprémaciste par son nom, qui le qualifie d’extrémiste et de criminel, qui, dans un discours marquant, s’est adressé à lui en lui disant qu’il n’était pas le bienvenu en Nouvelle-Zélande, contrairement aux migrants et aux réfugiés visés par lui – « They are us. The person who has perpetuated this violence against us is not », lui refuse la célébrité qu’il recherche. Elle lui oppose le dédain. Et ce dédain, ajouté à ses multiples marques de tolérance vis-à-vis des immigrés, des minorités et des musulmans, n’est pas, chez Ardern, une marque de faiblesse, de reddition, de défaite. Elle a dénoncé « le nationalisme partout dans le monde » et pris des décisions radicales pour limiter la circulation des fusils militaires et automatiques : l’État rachète ceux en circulation – ce qui permet d’associer la population – et en interdit la vente de nouveaux.

En réduisant la possibilité pratique des fanatiques de pouvoir tuer, la réponse, ferme, d’Ardern à la violence est de réduire les possibilités de violences, de garantir la sécurité collective et dit-elle, d’unir le pays. Elle veut aussi mettre les plateformes numériques, qui ont permis la diffusion du massacre, devant leurs responsabilités.

Un leadership dé-genré

Soucieuse, depuis sa prise de fonction, de faire de la Nouvelle-Zélande un « leader moral » dans la région, notamment sur l’environnement – « We’re small, and our contribution to the global emissions profile is even smaller, but we are surrounded by island nations who will feel the brunt of climate change acutely. I see ourselves as having a responsibility to demonstrate that we can and we will lead the charge »Ardern est une source d’inspiration, pour les démocrates américain.e.s Alexandria Ocasio-Cortez, par exemple, qui a dit à son sujet : « This is what leadership looks like », ou encore Brendan Boyle, qui loue son « action » et déplore la passivité des républicains sur les armes à feu.

Certes, contrairement, aux États-Unis, la Nouvelle-Zélande n’autorise pas dans ses textes de posséder une arme pour assurer sa propre défense. Et le 1,5 million de fusils et pistolets en circulation sont peu de choses comparés aux presque 400 millions américains, même si, dans les deux pays, c’est dans les régions rurales qu’on les retrouve le plus.

Mais c’est dans la recherche d’un consensus bipartisan avec les conservateurs qu’Ardern veut faire évoluer les textes sur les armes à feu. Elle incarne, par les mots comme par les actes, un autre leadership, rassembleur, non clivant. Le volontarisme et la fermeté, sans la haine.

Photo : The New Yorker