Pourquoi le rapport Mueller est une victoire par K.O. médiatique pour Donald Trump

Interview pour "20 Minutes", le 25/03/19

Heureux qui comme Donald Trump a eu un rapport favorable. Le président américain peut jubiler, le rapport Mueller n’a trouvé aucune preuve confirmant que son équipe de campagne en 2016 a collaboré avec les Russes dans une possible ingérence dans la présidentielle. Un gros coup à quelques mois (déjà) des élections de 2020. 20 Minutes décrypte.

Le rapport Mueller, qu’est-ce que c’est ?

Le procureur spécial Robert Mueller, chargé d’une enquête de près de deux ans, vient de rendre son verdict : il n’y a pas d’éléments prouvant une entente ou une coordination entre l’équipe de Donald Trump et la Russie lors de la campagne présidentielle de 2016.

Egalement, sur la possible obstruction de la justice par le président, le rapport « ne conclut pas que le président se soit rendu coupable d’un délit, mais ne le disculpe pas pour autant ». Un résumé de quatre pages a été transmis au Congrès et a été rendu public ce dimanche.

Qu’est-ce que cela change pour Donald Trump ?

« C’est une très grande victoire, même s’il a mis du temps à la savourer », ne manque pas de noter Jean-Eric Branaa, maître de conférences société et politique américaine et auteur de Qui veut la peau du parti républicain ? L’incroyable Donald Trump. Ce fut en effet, silence radio sur le sujet de sa part, jusqu’à un premier tweet assez laconique et bref. « A croire qu’il était lui-même surpris de la conclusion du rapport », sourit Jean-Eric Branaa.

Pourtant, le maître de conférences le sait, la joie a dû être de taille : « Sur le plan politique, c’est du petit-lait. Depuis des années, il dit qu’il y a une vraie chasse aux sorcières contre lui, aujourd’hui il peut arguer qu’il avait raison. » Un véritable totem d’immunité, qui lui assure de pouvoir contrer les prochaines enquêtes contre lui. « A chaque fois, il pourra se référer à ce résultat et faire passer les enquêtes contre lui pour de simples cabales médiatiques. Cela va devenir très dur de l’attaquer », conclut l’expert de la politique US.

« Cela lui permet de continuer à se poser en victime du système, des médias et des démocrates. Il peut continuer sa diatribe de victimisation et à la fois de héros seul contre tous, son cheval de bataille depuis qu’il s’est présenté en 2016 », analyse Marie-Cécile Naves, docteure en sciences politiques, chercheuse à l’IRIS et auteure de Trump, l’onde de choc populiste et Trump, la revanche de l’homme blanc.

Et côté démocrate, ça change quoi ?

Pour les démocrates, la déception est énorme, et le choc va être rude à encaisser. « Ils étaient convaincus que le rapport Mueller ferait mal à Trump. C’est la deuxième fois que le ciel leur tombe sur la tête, après 2016 et le résultat de l’élection. » Mais pas question de baisser les armes pour autant. « La déception va vite se changer en rage », assure Jean-Eric Branaa.
Première contre-offensive, les démocrates demandent la publication complète du rapport. « Il s’agit de pinailler et surtout de semer un doute quand même dans la victoire de ce rapport. » Même si le maître de conférences doute très fortement que le rapport soit publié complètement, question de sécurité nationale aussi.

« C’est clairement un moment important dans la campagne 2020, annonce également Marie-Cécile Naves. La temporalité judiciaire est bien plus longue que celle médiatique, et cela prendra des semaines – voire des mois – avant que d’autres conclusions ne sortent. Pendant ce temps-là, Donald Trump peut dire qu’il a été blanchi, même si c’est plus compliqué que cela, mais qui va se pencher sur la réelle complexité de l’affaire ? C’est une défaite médiatique pour les démocrates et toute la rhétorique de la future campagne s’en trouve modifiée. »

Est-ce qu’on va sabrer le champagne à la Maison-Blanche ?

« C’est sans doute la plus belle victoire de son mandat selon moi, renchérit l’experte de la politique américaine. Il a eu d’autres beaux succès, comme le retrait de l’accord de Paris ou de l’accord nucléaire, mais celui-ci me semble encore plus fort. » En plein milieu de son mandat, après un début d’année difficile, entre un shutdown enlisant et la perte de la Chambre des représentants au profit des démocrates, « le président respire à nouveau », estime Jean-Eric Branaa. Et alors que les élections de 2020 sont déjà dans les esprits, cela apporte un second souffle pour briguer un autre mandat. Le maître des conférences le confirme, la confiance est revenue dans le camp des Trump : « Ce rapport resserre le rang de ses supports et lui permet de s’adresser aux indépendants en disant “Vous voyez, je ne suis pas corrompu, je ne suis pas le grand méchant pour lequel on veut me faire passer.” » Victoire médiatique par K.-O.