États-Unis: le spectre de l’antisémitisme refait surface

Interviewée par RFI, le 29/04/2019

États-Unis: le spectre de l’antisémitisme refait surface après l’attaque dans une synagogue près de San Diego.

Un homme de 19 ans se revendiquant comme antisémite et islamophobe a commis un attentat antisémite 6 mois exactement après celui qui avait coûté la vie à onze personnes le 27 octobre 2018 à Pittburg. L’homme avait annoncé publiquement sur internet son intention de tuer des juifs.

Par ailleurs, il revendique un incendie volontaire contre une mosquée de Californie une semaine après les attaques de Christchurch, en Nouvelle-Zélande. Il dit d’ailleurs s’être inspiré de Brenton Tarrant, l’Australien suprémaciste blanc qui a tué 50 personnes, essentiellement des musulmans, à Christchurch.

On le voit encore une fois : les motivations de haine anti-juifs et anti-musulmans se rejoignent chez les suprémacistes. Ce qui compte pour eux, c’est entretenir le mythe d’une nation blanche et chrétienne fermée sur elle-même. Aux USA, cette peur existe particulièrement du fait des réalités démographiques et a un certain écho dans une partie de la population qui n’est pas extrémiste ou nationaliste mais qui n’accepte pas le métissage et le multiculturalisme.

De son côté, Trump a dénoncé aussitôt ce crime comme étant « motivé par la haine » antisémite. Mais, premièrement, Trump dénonce l’antisémitisme ici mais confirme qu’il y a deux poids, deux mesures dans sa dénonciation des crimes de haine. En effet, il avait condamné l’attentat en Nouvelle-Zélande, mais relativisé l’extrémisme suprémaciste. Exactement comme pour Charlottesville en août 2017. Pour lui, le suprémacisme blanc n’existe pas, ce n’est pas une menace.

Deuxièmement, Trump se contredit lui-même car il avait aussi entretenu le traditionnel sous-entendu antisémite d’une invasion par les juifs du territoire américain pendant la campagne des Midterms. Il avait laissé entendre que le milliardaire George Soros finançait ce que Trump appelle les « caravanes » de migrants d’Amérique centrale.

Ces jours-ci, il est revenu à la charge en disant que les suprémacistes, au fond, ne sont pas des gens mauvais, ils veulent juste garder les statues des généraux suddistes de la guerre de Sécession (général Lee).

Il est en campagne et flatte l’extrême droite mais plus globalement un électorat inquiet de la disparition de l’Amérique blanche.

Aux USA, selon un rapport de l’Anti Defamation League, « 62 % des meurtres perpétrés par des extrémistes en 2017 étaient commis par des extrémistes de droite et seulement 21 % en 2016 », contre 98 % en 2018.

Selon un rapport du FBI publié par le Washington Post, le 9 mars, la majorité des personnes arrêtées aux Etats-Unis pour des faits de terrorisme sont liées à des groupuscules américains et non à des organisations terroristes internationales.

L’Anti-Defamation League note un bond de 57% des incidents et crimes antisémites aux Etats-Unis en 2017, la hausse la plus brutale depuis les années 1970.

Le racisme et l’antisémitisme n’apparaissent pas avec Trump mais il est évident que ce président souffle sur les braises des clivages et des haines raciaux et religieux (et de genre aussi). C’est un président qui se nourrit du chaos qu’il entretient lui-même.

Une vague d’attentats suprémacistes n’est pas à exclure avant les élections de novembre 2020, selon le « Washington post »

(Ré-)écouter l’interview ici.