Le sport, levier de développement durable et d’émancipation des femmes (ID4D, AFD)

Article publié sur la plateforme ID4D de l'Agence Française de Développement (AFD), le 29.10.19

Le sport est un outil transversal à mobiliser davantage pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), notamment l’égalité de genre. Retour sur plusieurs initiatives inspirantes. Cet article a été publié sur la plateforme ID4D de l’Agence Française de Développement (AFD), le 29 octobre 2019.

 

Alors que la réalisation des 17 Objectifs de développement durable (ODD) fait régulièrement émerger la question de leur éventuelle concurrence ou de leurs possibles contradictions, des outils transversaux comme le sport et l’activité physique peuvent apporter des solutions, à condition d’être l’objet de politiques adaptées, duplicables et, idéalement, mesurables.

Le sport au service d’un monde commun

L ’Agenda 2030 des Nations unies définit lui-même le sport comme « un élément important du développement durable », par « sa contribution croissante au développement et à la paix, par la tolérance et le respect qu’il préconise ; à l’autonomisation des femmes et des jeunes, de l’individu et de la collectivité ; et à la réalisation des objectifs de santé, d’éducation et d’inclusion sociale. »

Reconnu comme un droit fondamental dans la Charte internationale de l’éducation physique et du sport de l’Unesco en 1978, mis en valeur par le plan d’action de Kazan signé en 2017, lors de la 6e conférence internationale des ministres et hauts fonctionnaires responsables de l’éducation physique et du sport (MINEPS VI), ce dernier mériterait d’être davantage mobilisé par les décideurs. Si la diplomatie d’influence s’est saisie du haut niveau, le « sport pour toutes et tous » est rarement au cœur de politiques globales à l’international et de dispositifs interministériels, alors même qu’il a vocation à renforcer l’éducation, la santé, l’inclusion, la cohésion, l’égalité et la responsabilité environnementale dans tous les secteurs.

De nombreuses initiatives existent, dont le caractère innovant est précisément d’utiliser les activités physiques et sportives pour promouvoir un monde commun durable. Certaines s’adressent à quelques dizaines de personnes, d’autres sont développées à plus grande échelle. Ces expériences prennent appui sur différents types de partenaires – ministères, agences nationales, organisations internationales du sport ou hors sport. Beaucoup d’entre elles ciblent spécifiquement les jeunes filles ou les femmes, qui subissent le plus durement les effets des inégalités socioéconomiques, des conflits et du dérèglement climatique, et dont les droits demeurent bafoués dans de multiples pays ou régions.

De fait, en matière géopolitique, prendre en compte la dimension genrée des sujets de l’agenda a un intérêt politique et prospectif si l’on veut inspirer les acteurs et actrices de terrain et nourrir efficacement la décision publique internationale dans la construction d’un agenda géopolitique émancipateur au bénéfice de tous et de toutes.

Dans ces projets, l’adaptation au contexte local ou national des dispositifs utilisant le sport comme un levier d’égalité et d’empowerment des filles et des femmes est essentielle, de même que le fait de partir des besoins des populations, d’associer des protagonistes locaux à leur gouvernance, de privilégier la transmission, la prise d’exemple et l’identification des leviers de développement et de durabilité.

« Tackle Africa » : le sport pour éduquer à la santé sexuelle

Au Burkina Faso, la déclinaison locale de l’initiative « Tackle Africa » est éclairante. Fondé en 2002, ce programme britannique a notamment comme partenaires la FIFA et la Yaya Touré Foundation. Il associe étroitement des ONG locales spécialisées dans la prévention et l’information en matière de santé et s’adresse aux jeunes, filles et garçons, de 10 à 20 ans. Les infections sexuellement transmissibles, l’accès à la contraception et à l’avortement ou encore les violences sexuelles (viols, harcèlement, mariages forcés, mutilations génitales) figurent notamment parmi les sujets abordés avec les filles comme avec les garçons. Des matchs de football, souvent mixtes, sont organisés. Quelque 600 coaches, hommes et femmes, sont spécialement formés pour que ces rencontres facilitent les interactions, l’expression des émotions, la diffusion de messages de santé, de respect de soi et des autres que les jeunes peuvent relayer dans leur famille et leur communauté. Il s’agit aussi de briser les tabous de genre.

Encourager les filles à jouer au football leur montre qu’elles peuvent briller et s’amuser dans un sport dit « de garçons ». Le regard des autres et la transgression des rôles traditionnellement assignés à un genre sont dédramatisés. Une plateforme d’information sur la sexualité a été créée, les jeunes peuvent y échanger dans le respect de leur vie privée. Des dépistages gratuits sont réalisés et des prises en charge globales sont mises en place pour les jeunes atteints du virus du sida.

En Océanie, le rugby pour combattre les discriminations genrées

En Océanie, le programme « Get into Rugby Plus » de World Rugby représente un exemple d’approche similaire. Soutenu par le gouvernement australien, UN Women et l’Union européenne, il sensibilise aux violences de genre par l’apprentissage du rugby à des populations éloignées de la pratique dans certains pays du Pacifique (où ce sport est très répandu), en promouvant un environnement sportif sûr et inclusif.

Des coaches, hommes et femmes à parité, apprennent à transmettre les notions d’exemplarité, de leadership, de maîtrise de soi et d’égalité à travers le sport. Les « valeurs du rugby » ne sont pas de vains mots : solidarité, entraide, respect entre filles et garçons, refus de la violence, questionnement sur le rapport aux autres dans la pratique rugbystique font partie de l’éducation sportive.

Dans le Pacifique, où les taux de violences de genre sont parmi les plus élevés au monde et où la sphère politique est très peu féminisée, le programme « Get into Rugby Plus » participe ainsi à la transformation de normes sociales hiérarchisantes, destinée à donner des compétences aux jeunes pour toute la vie. Il vise, sur le long terme, à la diffusion de messages politiques plus globaux pour combattre toutes les formes de discriminations genrées, avec des parties prenantes associatives et gouvernementales. Prendre appui sur un sport extrêmement populaire permet ainsi de se rapprocher des populations, de gommer la dimension top-down de ce type de projet et d’inspirer d’autres acteurs locaux.

Diffuser les expériences positives s’appuyant sur le sport

Ces deux expériences, parmi d’autres, fournissent des preuves de concept originales d’une expertise d’usage. Certes, le sport n’est pas une formule magique permettant de changer la société et les rapports sociaux de sexe, de promouvoir le développement, la paix, la réconciliation, la tolérance et la compréhension mutuelle, de lutter contre les ignorances, de combattre les structures sociales patriarcales. Mais il peut être utilisé, par son caractère universel, comme un outil visant à favoriser la participation active et volontaire des filles et des femmes à la société, et à promouvoir l’engagement au service des autres et le respect mutuel, dès l’enfance et tout au long de la vie.

En faisant connaître des expériences positives, issues du monde entier et destinées à des publics très divers, en termes d’origines, de religions, d’âges, de situations familiales, de santé, de territoires de vie, d’expériences, d’identités, mais aussi de contextes – de paix ou de guerre, etc. – très divers, on peut, par l’intelligence collective, pérenniser l’existant, apprendre de ce qui fonctionne et bâtir des coopérations internationales dans le cadre d’une planète apprenante, au service des ODD.

Photo : UN Women/Karin Schermbrucker

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