Le procès en destitution de Donald Trump s’ouvre au Sénat

Interview pour "La Croix", le 20.01.20

Interview accordée à Gilles Biassette pour le quotidien « La Croix », le 20 janvier 2020, sur la procédure d’impeachment qui vise Donald Trump et que l’étape du vote au Sénat est arrivée.

Le procès en destitution de Donald Trump s’ouvre ce mardi 21 janvier au Sénat des États-Unis. Il devrait durer au moins deux semaines. Si l’issue ne semble guère faire de doute, compte tenu de la majorité républicaine dans cette enceinte, les enjeux sont importants, pour les démocrates comme pour la Maison-Blanche.

Le procès en destitution de Donald Trump s’ouvre au Sénat
Le chef des républicains au Sénat Mitch McConnell (au centre) dans le Capitole, jeudi 16 janvier, à Washington.UPI/ABACA

Aux États-Unis, et même si les Américains sont souvent frustrés par les lourdeurs de leurs institutions, la vie politique peut connaître de vifs coups d’accélérateur : six mois après un échange téléphonique très controversé entre Donald Trump et son homologue ukrainien, voilà le président américain, symboliquement, dans le box des accusés.

« Abus de pouvoir » et « entrave au travail du Congrès »

Son procès en destitution s’ouvre ce mardi 21 janvier au Sénat. Deux chefs d’accusation ont été retenus par la Chambre des représentants : abus de pouvoir – Donald Trump est accusé d’avoir exercé des pressions pour convaincre l’Ukraine d’ouvrir une enquête sur Joe Biden, potentiel rival à l’élection présidentielle de novembre – et entrave au travail du Congrès. Il ne sera toutefois destitué que si deux tiers des sénateurs le reconnaissent coupable de l’une ou l’autre de ces accusations. Un scénario hautement improbable compte tenu du rapport de force au Sénat, où les républicains détiennent 53 des 100 sièges.

Pourtant, et même si l’affaire semble jouée d’avance, les enjeux de ce procès en destitution sont importants. « Pour les démocrates, il s’agit d’obtenir des éclaircissements sur les nombreuses zones d’ombre qui demeurent dans l’affaire ukrainienne et, plus largement, dans l’optique du scrutin de novembre, de convaincre les Américains que la démocratie est en danger, tant que Donald Trump sera à la Maison-Blanche, explique Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Pour Donald Trump, il s’agit de réaffirmer son autorité sur le parti, qu’il veut uni derrière lui, et de décrédibiliser son opposition, jugée inapte à gouverner. »

Deux équipes solides et expérimentées

Signe de la gravité de la situation, les deux camps ont constitué des équipes solides et expérimentées. Côté accusation, Adam Schiff, l’homme qui a instruit le dossier à la tête de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, mènera la charge. Il sera épaulé par six autres « procureurs », dont la députée californienne Zoe Lofgren, qui siégeait déjà en 1998-1999 lors de la procédure d’impeachment engagée contre Bill Clinton. Deux décennies plus tôt, alors étudiante en droit, elle avait aussi participé à la rédaction de l’acte d’accusation visant Richard Nixon, empêtré dans le Watergate.

Côté défense, Pat Cipollone, avocat de la Maison-Blanche, et Jay Sekulow, avocat personnel du président, le représenteront avec deux renforts de poids : Kenneth Starr, le procureur indépendant de l’affaire Lewinsky, et la star du barreau Alan Dershowitz, qui a défendu, entre autres, O.J. Simpson et Jeffrey Epstein.

Une question centrale au Sénat : les témoins

Majoritaires au Sénat, les républicains sont en position de force. Leur leader, Mitch McConnell, veut expédier l’affaire en deux semaines et acquitter rapidement le président, sans faire de vagues. Mais des éléments peuvent venir gripper la machine. À commencer par la participation d’éventuels témoins. Les démocrates réclament en effet la convocation de quatre proches du locataire de la Maison-Blanche, dont son actuel chef de cabinet, Mick Mulvaney, et son ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton.

Mais pour entendre ces témoins clés, contre l’avis de Mitch McConnell et du président, un vote de la majorité des Sénateurs est requis. Les 47 démocrates doivent donc convaincre quatre élus de l’autre camp. Deux se sont déjà dits ouverts à cette idée -– Susan Collins, l’une des cinq membres républicains du Sénat à s’être prononcés en faveur de Bill Clinton en 1998-1999, et Mitt Romney, ancien adversaire de Barack Obama en 2012.

« La convocation d’éventuels témoins ne devrait pas changer l’issue du procès, mais pourrait apporter des informations nouvelles et surtout provoquer des tensions dans le camp républicain », relève Marie-Cécile Naves. Donald Trump a déjà fait savoir que si des témoins étaient appelés s’exprimer à la barre, il répliquerait en faisant convoquer des démocrates… à commencer par « Schiff le sournois » et Joe Biden, toujours bien placé dans la course à l’investiture démocrate. Un grand déballage qui ravirait le locataire de la Maison-Blanche… mais pas Mitch McConnell, soucieux de préserver l’image de l’institution qu’il préside.

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