Coronavirus : pour Trump, la principale menace est la crise économique

Interview pour "La Croix", le 25.03.20

Alors que les États multiplient les appels au confinement, le locataire de la Maison-Blanche évoque un retour à la normale pour Pâques. À ses yeux, « le remède pourrait être pire que le mal ». Interview sur la gestion par Trump du coronavirus accordée à Gilles Biassette, de « La Croix », le 25/03/2020.

 

Donald Trump a manifesté son impatience lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche mardi 24 mars (Crédit : OLIVER CONTRERAS/PICTURE ALLIANCE/CONSOLIDATED)

Depuis le début de la crise sanitaire, les dirigeants de la planète font face à un dilemme : comment enrayer la pandémie sans peser plus encore sur une économie déjà violemment mise à mal ? Une économie par ailleurs nécessaire pour faire tourner les rouages d’un pays, encore plus par temps de confinement. Les commerces essentiels doivent rester ouverts, et être approvisionnés, et les familles doivent pouvoir subvenir à leurs besoins.

La Maison-Blanche espère un retour à la normale à Pâques

Si tous les dirigeants ont ces préoccupations en tête, qui imposent de peser le pour et le contre, un président se distingue par son discours : Donald Trump. Mardi 24 mars, le locataire de la Maison-Blanche a manifesté son impatience. « Il faut retourner au travail, beaucoup plus tôt que les gens ne le pensent », a-t-il déclaré lors d’une interview sur Fox News. À ses yeux, « une grave récession ou une dépression » pourrait faire plus de morts que l’épidémie, notamment si la crise économique devait entraîner « des suicides par milliers ». Sans justifier le pourquoi de la date, au-delà du symbole, il a évoqué Pâques, soit le 12 avril, comme jour souhaité pour un retour à la normale.

Mais sur quoi repose ce point de vue ? Pas sur la science. Les chiffres de contaminations et de décès sont en forte hausse aux États-Unis, plus de 800 morts et de 55 000 cas officiellement déclarés de Covid-19, selon l’université Johns Hopkins. À tel point que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le pays pourrait bientôt devenir le nouvel épicentre mondial de la pandémie, devant l’Europe. Le propre conseiller de Donald Trump, Anthony Fauci, évoque début mai comme horizon pour le sommet de la crise aux États-Unis.

Trump : occuper le terrain plus que la fonction

« Il me semble que Donald Trump, avec ce type de déclaration, s’efforce surtout de maîtriser le discours, d’occuper le terrain, estime Marie-Cécile Naves, chercheuse associée à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Les médias américains ont beaucoup parlé des experts, de l’action rôle des gouverneurs ces derniers jours. C’est une façon pour Donald Trump de reprendre la main ».

Car si l’administration Trump s’est contentée de donner, le 16 mars, des consignes générales pour deux semaines afin de « ralentir la propagation du virus » – se laver les mains, éviter les rassemblements de plus de dix personnes, etc. – les gouverneurs, eux, sont passés à l’action : 17 d’entre eux ont appelé leur population à rester chez eux, représentant plus de la moitié de la population des États-Unis.

Des élus républicains sceptiques

Le discours de Donald Trump relève donc, d’abord, de la rhétorique. D’ailleurs, de nombreux élus républicains, y compris parmi ses fidèles soutiens, comme Lindsay Graham, ont pris leurs distances avec le chef de l’État. « J’ai parlé avec le docteur Fauci. Il pense qu’il faut en faire plus. L’économie ne peut pas fonctionner si les hôpitaux débordent », a commenté le sénateur de Caroline du Sud.

« Ce qui est certain est que Donald Trump est inquiet : l’économie est au cœur de sa campagne pour novembre », poursuit Marie-Cécile Naves. Or même si les prévisions, dans ce contexte de grande incertitude, sont très hypothétiques, la dernière note de Morgan Stanley, publiée dimanche 22 mars, a fait sensation : elle évoque une contraction de l’économie américaine de 30 % au cours du deuxième trimestre 2020, et un taux de chômage autour de 13 % à la fin du printemps – du jamais vu depuis l’après-guerre.