Primaires démocrates : un « Super Tuesday » plus décisif que jamais

Interview pour "Le Figaro, 3.03.20

Interview pour « Le Figaro », le 3 mars 2020 sur le « Super Tuesday ». L’avalanche de votes prévue dans quatorze États pourrait avoir un impact décisif sur la désignation du rival qui affrontera Donald Trump en novembre. Par Roland Gauron.

Le 3 mars 2020, 1/3 des délégués démocrates seront élus dans plusieurs États américains lors du «Super Tuesday». Une étape cruciale pour la désignation du futur candidat démocrate dans la course à la présidentielle américaine.

Quel candidat démocrate fera face à Donald Trump le 3 novembre prochain ? Le suspense reste entier. Les choses sérieuses commencent pour les cinq prétendants toujours en lice. Ils s’affronteront ce mardi dans quatorze États, notamment en Californie et au Texas. C’est le fameux « Super Tuesday ».

D’où vient cette tradition ?

Le premier exemple remonte à la présidentielle de 1988. Les démocrates de plusieurs États du Sud avaient alors décidé d’organiser leurs scrutins en même temps le premier mardi de mars. L’objectif initial était de favoriser la désignation d’un candidat démocrate modéré. Le stratagème ne portera immédiatement ses fruits mais quatre ans plus tard. Pourtant mal parti, le gouverneur de l’Arkansas, Bill Clinton, redressera la barre à cette occasion avant d’être désigné par ses pairs l’été suivant.

« Plusieurs États les ont depuis imités pour à leur tour peser politiquement », explique Marie-Cécile Naves, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). En 2008, près de la moitié des États du pays avaient voté le même jour.

Combien de délégués vont-ils être désignés ?

Ce mardi, les électeurs de quatorze États, plus ceux des îles Samoa et les démocrates de l’étranger, sont appelés aux urnes. Surtout la participation de la Californie, qui tenait précédemment sa primaire début juin, bouleverse le calendrier car elle rejoint le Texas. Jamais les deux États les plus peuplées du pays, respectivement 40 et 30 millions d’habitants, n’avaient voté le même jour lors des primaires. À eux seuls, ils enverront 643 représentants à la Convention de Milwaukee en juillet. Seuls 155 ont jusqu’ici été désignés en février. En tout, 1357 délégués sont en jeu le 3 mars. Un candidat doit en obtenir plus de 1991 pour espérer être investi Parti démocrate.

Les primaires entrent-elles dans une nouvelle phase ?

« Le Super Tuesday permet habituellement d’y voir plus clair. Il peut venir confirmer une dynamique ou au contraire marquer un tournant », confirme Marie-Cécile Naves. Lors des premières échéances, les particularités démographiques tiennent une grande place.

Le vote de mardi va donner une dimension nationale au processus de désignation. Les électeurs appelés à voter mardi reflètent mieux la diversité sociale et économique du pays. Il y a quatre ans, Hillary Clinton avait signé un carton plein auprès des Latinos et des Noirs. Le « Super Tuesday » avait souligné le handicap de Bernie Sanders auprès des minorités, dont le soutien s’avère déterminant chez les démocrates.

Que peuvent attendre les candidats ?

Bernie Sanders paraît bien placé. Le « Super Tuesday » pourrait lui permettre de se détacher inexorablement dans la course à l’investiture. Il pourrait notamment tirer profit du vote de l’importante communauté hispanophone du Californie et du Texas, après l’avoir déjà séduite dans le Nevada. Les derniers sondages le donnent d’ailleurs favori dans ces deux États.

Joe Biden doit impérativement relancer la dynamique de sa campagne et confirmer le très bon résultat obtenu en Caroline du Sud, porté par les électeurs noirs. Ces derniers sont également très présents en Alabama, dans l’Arkansas ou le Tennessee. L’ancien vice-président a enregistré les ralliements de Pete Buttigieg et Amy Klobuchar, désormais retirés de la course. Mais il devra à présent faire face à un nouvel adversaire.

Michael Bloomberg entre en lice. Il avait fait l’impasse sur les précédents scrutins. L’ancien maire de New York a misé toute sa stratégie sur une écrasante victoire au Super Tuesday. Le candidat a pour ce faire bombardé de spots publicitaires les 14 États concernés. Il a englouti plus de 500 millions de dollars en publicités de campagne, du jamais vu.

Les deux autres, Elizabeth Warren et Tulsi Gabbard, devront réaliser un exploit. C’est désormais une question de survie dans la course à l’investiture. Ils doivent faire plus de 15% pour recevoir des délégués. Leur maintien à l’issue du « Super Tuesday » pourrait acheminer le Parti démocrate vers le scénario redouté d’une Convention disputée.