Donald Trump et la suspension de l’immigration
Publié le 26 avril 2020Suspension de l’immigration : « Donald Trump a perdu du crédit sur l’économie, dès lors il joue à fond la carte identitaire ». Interview réalisée par Thomas Guien pour le site de LCI, le 21 avril 2020.
DECRYPTAGE – Le président américain a fait part mardi 21 avril de sa volonté de « suspendre temporairement » l’immigration aux Etats-Unis pour « protéger les emplois » des Américains et lutter contre l’épidémie. Une mesure qui lui permet également de garder un pied dans la course à la Maison Blanche.
Si le magnat de l’immobilier n’a pas encore dévoilé les contours de ce décret qui – selon le Washington Post– pourrait être signé ces prochaines heures, les chiffres officiels permettent d’ores et déjà de savoir combien de personnes seraient impactées. Le pays ayant déjà suspendu en mars l’octroi de visas, seraient désormais visés ceux demandant un visa d’immigration ou une carte de résident permanent (« green card »). Soit plus d’un million de personnes : durant l’année budgétaire 2019, 462.000 visas d’immigration et près de 577.000 résidences permanentes ont été délivrés selon les chiffres officiels.
« Cette décision de Donald Trump ne protégera pas les emplois américains »
Potentiellement contre-productive sur le plan économique, la mesure s’avère en revanche stratégique d’un point de vue politique. La suspension de l’immigration est en effet un thème populaire de longue date chez les partisans de Donald Trump, candidat à sa réélection et bien décidé à marteler une nouvelle fois son slogan « l’Amérique d’abord ». « Donald Trump joue sur deux tableaux pour être réélu, à savoir l’économie et l’identité », appuie Marie-Cécile Naves. « Problème : il a perdu du crédit sur le terrain économique, comme le prouvent les chiffres du chômage, de la croissance et de la bourse. Dès lors, il joue à fond la carte de la thématique identitaire, notamment quand on le voit critiquer le confinement, perçu comme une privation de la liberté. En suspendant l’immigration, celui lui permet de lier ces deux tableaux. Il alimente le fantasme d’une fermeture du pays sur lui-même, comme si cela allait permettre de battre cet ‘ennemi invisible’. »
« Les questions sanitaires ne sont pas son souci »
Un œil sur l’emploi et la croissance, l’autre sur la course à la Maison Blanche, le président a-t-il perdu de vue les problématiques de santé liées à l’épidémie ? « Il n’est pas du tout tiraillé entre l’économie et les questions sanitaires : ces dernières ne sont pas du tout son souci, estime Marie-Cécile Naves. Il n’a pris aucune mesure de protection de ses citoyens au niveau fédéral : aucun accès facilité aux hôpitaux, aucune extension de MedicAid (ndlr : l’assurance maladie pour les plus démunis), aucune demande de distanciation sociale ou de confinement…. Toutes les mesures de protection sanitaire des citoyens ont été prises par les Etats fédérés. »