Trump et l’ « Obamagate »

Interview pour "Le Parisien", le 16.05.2020

«Obamagate» : pourquoi l’ancien président américain obsède Trump. L’actuel chef de l’Etat s’en prend depuis plusieurs jours à son prédécesseur qu’il accuse d’avoir cherché à lui nuire, avant son élection. Interview accordée à Nicolas Berrod, du « Parisien », le 16 mai 2020.

 Donald Trump et son prédécesseur Barack Obama à la Maison Blanche, le 10 novembre 2016, lors de la cérémonie de transition.
Donald Trump et son prédécesseur Barack Obama à la Maison Blanche, le 10 novembre 2016, lors de la cérémonie de transition.  AFP/Jim Watson
Le Covid-19 a causé près de 90 000 décès aux Etats-Unis, mais c’est autre chose qui semble préoccuper Donald Trump ces derniers jours. « Obamagate! » a tweeté le président américain à dix reprises depuis le 11 mai, accusant Barack Obama d’avoir cherché à lui nuire avant son élection en faisant pression sur la justice.

Ce n’est pas la première fois que Trump s’en prend à son prédécesseur à la Maison blanche. Cela semble même tourner à l’obsession. Depuis son élection, l’actuel chef de l’Etat s’attache à vouloir détricoter une partie du bilan de l’ex-président démocrate, à commencer par le système d’assurance maladie « Obamacare ». Dès son investiture, en janvier 2017, il avait aussi martelé avoir réuni plus de foule que Barack Obama, ce qui était inexact. Auparavant, il avait abondamment relayé la « fake news » selon laquelle l’ancien président serait né en Afrique.

« Obama a toujours représenté tout ce que Trump méprise ou qui ne le caractérise pas : l’élite intellectuelle et démocrate de la côte Est, l’élégance, la classe, la culture, etc. », juge la politologue Nicole Bacharan.

« Obama et Biden sont totalement associés entre eux »

Cette fois, Donald Trump reproche à son prédécesseur d’avoir tenté, par l’intermédiaire du FBI, de faire pression sur l’ancien général Michael Flynn pour lui nuire. Cet ancien conseiller à la Sécurité nationale de Trump n’était resté à ce poste que trois semaines, contraint à la démission pour avoir caché des contacts avec l’ambassadeur russe.

Mais ces accusations sont vagues et ne reposent sur aucun élément de preuve. Les Républicains ont même exclu de faire témoigner Obama dans le cadre de l’enquête sur l’« enquête russe », qui avait été ouverte pour soupçon d’ingérence russe lors de l’élection présidentielle de 2016. Dans ce dossier tentaculaire, le procureur Mueller n’était pas parvenu à rassembler de preuves d’une collusion entre Moscou et l’équipe de campagne de Trump, même si la tentative d’ingérence lui semblait évidente.

Sur la forme, la virulence des attaques de Trump peut s’expliquer par plusieurs raisons. Le 14 avril, Obama a officiellement apporté son soutien à Joe Biden, candidat démocrate à l’élection présidentielle du 3 novembre prochain. Depuis, il multiplie les signes de soutien sur les réseaux sociaux, tout en critiquant régulièrement Donald Trump sur sa gestion de la crise sanitaire. Le 22 avril, il dénonce par exemple le fait que la population américaine doive « attendre un plan national cohérent » pour lutter contre la pandémie de Covid-19.

« Obama a été très discret pendant trois ans et demi, mais là il est à fond dans la campagne même si tout se fait de manière virtuelle pour le moment », souligne Nicole Bacharan.

Ce qui n’est pas sans calcul politique à cinq mois et demi du scrutin, Obama faisant figure de « chiffon rouge » pour une grosse partie de l’électorat trumpiste. « Du côté de Trump comme du côté de Biden, il y a un enjeu très important, c’est la participation électorale. Trump a absolument besoin que sa base électorale aille voter, car il sait que ça risque de se jouer à peu », souligne Marie-Cécile Naves.

Trump critiqué pour sa gestion de la crise et l’Obamagate fait diversion

Une autre explication possible au courroux de Trump porte sur le contexte sanitaire. Depuis les premiers décès dans le pays début mars, le président américain a été successivement critiqué pour n’avoir pas réagi assez vite, puis pour vouloir « déconfiner » le pays trop rapidement.

Certaines de ses petites phrases, comme celle sur l’utilisation de produits désinfectants contre le virus, ont aussi été moquées et dénoncées. Et tout cela se ressent dans l’opinion publique. Selon le site de statistiques électorales FiveThirtyEight, seules 43,6 % des personnes interrogées approuvent les actions du président américain ce 15 mai. C’est un point de plus que deux semaines plus tôt, mais toujours bien en dessous des 45,8 % recensés début avril.

« Matraquer ce terme d’ Obamagate peut servir à faire diversion pour faire oublier les mauvais sondages ainsi que les critiques sur sa gestion la crise, d’autant qu’il perd du terrain dans les sondages chez les plus de 65 ans qui sont les plus vulnérables face au coronavirus », juge Marie-Cécile Naves.

Et Obama, que pense-t-il de toutes ces attaques? Jeudi, il s’est contenté d’un simple mot, posté sur Twitter et Instagram : « Votez ».