« Rien n’est jamais gagné pour les femmes »

Interview dans la Matinale de RFI, le 27.10.20

Interview dans la Matinale de RFI (Radio France Internationale), le 27 octobre 2020, sur la limitation de l’accès à l’avortement en Pologne et aux Etats-Unis, les droits des femmes, et à propos de mon livre, « La démocratie féministe. Réinventer le pouvoir ».

En décidant une quasi-interdiction du droit des femmes à l’avortement, la Cour constitutionnelle de Varsovie déclare l’inconstitutionnalité de l’interruption volontaire de grossesse pour les femmes enceintes de fœtus souffrant de malformations, même « graves et irréversibles ». Elle rend illégal tout avortement qui ne serait pas justifié par un viol, un motif d’inceste ou parce que la vie de la mère est en danger. Encore faut-il le prouver (viol et inceste).

L’accès à l’IVG était déjà restreint par la législation en Pologne, et 98 % des 1 100 avortements légaux pratiqués en 2019 l’avaient été pour des raisons de malformations du fœtus. Le ministre de l’éducation dit que les femmes ont été créées pour mettre des enfants au monde. Idem Orban en Hongrie.

Les Polonaises sont de nouveau dans la rue : 10.000 personnes pour protester contre cette décision qui contourne le Parlement. Peut-être que ce sera un moteur de participation pour les prochaines élections.

Gifle anti-#MeToo

L’interdiction de l’avortement n’a jamais fait baisser l’avortement. Il fait simplement exploser le nombre d’avortements clandestins. Et ce sont les femmes les plus modestes qui risquent leur vie.

Réaction de la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, qui a dénoncé une « violation des droits humains ». L’IVG relève de la compétence de chaque Etat dans l’UE.

Selon des ONG, le nombre d’avortements pratiquées clandestinement en Pologne ou dans des cliniques étrangères pourrait atteindre 200 000 par an, contre 100 000 aujourd’hui.

La Pologne est aussi un des pays européens où l’accès à la contraception est le plus difficile, derrière la Biélorussie, l’Ukraine ou la Turquie.

Les droits des femmes dans le viseur

Aux États-Unis, le droit à l’avortement au cœur des débats avant la présidentielle américaine. Le Sénat a confirmé la nomination à la Cour suprême de la juge conservatrice Amy Coney Barrett, connue pour son opposition à l’avortement. Elle est un symbole de la guerre culturelle, de deux Amériques, au coeur de la campagne présidentielle : comment vont voter les femmes ?

Lors de ses auditions au Sénat, Barrett a dit que ce droit constitutionnel, garanti par l’arrêt Roe v. Wade de 1983, n’était pas inattaquable. En 2006, la juge, catholique ultra, avait signé un texte qualifiant la décision de 1973 de « barbare ». 

Il existe de véritables déserts aux USA pour l’accès à l’avortement : Mississippi, l’Alabama et la Géorgie.

Il y a toujours eu des offensives contre l’avortement. Ça ne date pas de Trump et Pence. Ça a commencé dans les années 1980. Sous Reagan, c’était une sorte de contrecoup des années 1970. Puis sous George W.Bush. Il y en a eu beaucoup sous Obama. Ça prenait plus la forme de limiter les moyens liés à l’avortement. Par exemple exiger que les cliniques offrent une palette de services très larges qu’elles ne pouvaient pas offrir, sinon elles fermaient. Ou encore que les cliniques soient affiliées à un hôpital central. Et c’est comme cela que certains États se sont retrouvés avec une seule et unique clinique pratiquant des avortements (c’est le cas dans six États :  Kentucky, Mississippi, Missouri, Dakota du nord, Dakota du sud et Virginie occidentale).

Or, ces derniers mois, les attaques sont plus directes envers les termes mêmes de Roe v. Wade. On est dans une opposition plus dure, plus conflictuelle et les femmes en sont les victimes.

Replay de mon interview sur RFI :