Le 31 décembre 2020, j’étais invitée de l’émission « Cultures Monde » sur France Culture, avec Carole Gomez et Anaïs Bohuon, pour parler des violences sexuelles dans le sport. L’émission était présentée par Mélanie Chalandon.
Frappé par une diversité de témoignages relatant agressions, abus, et viols, le monde du sport international vacille. Entre rêves de gloire, entraîneurs omniprésents et fédérations complaisantes, ces drames se ressemblent et ne sont que la face visible d’un système dont on peine à évaluer l’ampleur.
Ecouter ou réécouter l’émission :
Une émission présentée par Mélanie Chalandon.
Il y a tout juste un an, la patineuse artistique française Sarah Abitbol dévoilait, dans un livre, le témoignage glaçant des multiples abus que son entraineur lui avait fait subir au cours de sa carrière. Ces révélations, qui ont bouleversé le petit monde du sport français, font tristement échos aux scandales qui ont touché la fédération américaine de gymnastique en 2016, au sein de laquelle le médecin Larry Nassar – aujourd’hui derrière les barreaux – a abusé de plus de 265 jeunes femmes ; ou aux aveux de ces footballeurs anglais levant l’omerta sur l’ampleur des agressions pédophiles dans le huit clos des vestiaires.
Rêves de gloire et de médailles, entraîneurs omniprésents, fédérations complaisantes et adeptes du secret, ces drames se ressemblent, et ne sont que la face visible d’un système pernicieux dont on peine à évaluer l’ampleur. D’aucun voudraient voir dans ces révélations, la tardive prise de conscience du sport international de ses travers, mais des graines de champions, aux stars auréolées de gloire, la prise de parole est difficile, et reste encore anecdotique. Du monde amateur au sport professionnel, à l’échelle nationale comme au niveau international, la question de la gouvernance du sport se pose pour mettre à un terme à ces dérives.
Mettre en place des organismes indépendants de contrôle ? Féminiser les instances ? Repenser la philosophie des entrainements ? Quelles sont les pistes pour que la route du succès ne devienne pas un chemin de croix pour les jeunes athlètes ?
Une discussion en compagnie de Marie-Cécile Naves, politologue, spécialiste des Etats-Unis, directrice de recherche à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) où elle dirige l’Observatoire Genre et Géopolitique, et de Carole Gomez, chercheuse à l’IRIS, co-autrice du rapport « Quand le foot s’accorde au féminin » (2019).
On sait que le monde du sport en particulier est sujet à une omerta. Le sport, contrairement à ce qu’on pourrait croire – parce qu’il s’abrite souvent derrière des valeurs universelles de méritocratie et d’égalité – est un monde extrêmement hiérarchique où les idéaux de performance, de réussite, et de résistance à l’effort, font que l’on ne se plaint pas. S’y ajoute la peur de parler, la peur d’être écarté, surtout quand l’on est jeune, sous influence, et sous la domination d’un entraîneur. Marie-Cécile Naves
Il est clair que la gouvernance du sport a de très larges progrès à faire, notamment en termes de direction. Il n’y a que trois présidentes sur 39 à la tête de fédérations olympiques internationales, et c’est la même chose en ce qui concerne les vice-présidentes. Il y a une vraie inégalité de genre dans les postes à responsabilité ou dans les postes qui pèsent réellement dans le sport international. Et plus vous allez avoir de femmes haut-placées dans la structure de votre club, de votre ligue, ou de votre fédération, et plus les faits de sexisme vont y baisser. Carole Gomez
Seconde partie – le focus du jour
Tests de féminité : une pratique discriminatoire
L’ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé, vendredi 4 décembre et dans un rapport de 120 pages, la fédération internationale d’athlétisme, ainsi que le CIO par la suite pour les JO Tokyo 2021, à supprimer les tests de féminité dans le sport international. Le CIO a répondu en considérant ce rapport comme « n’ayant pas été écrit par des experts impartiaux mais par des défenseurs d’un camp de ce débat » – mais pourquoi le fait de déterminer la différence entre hommes et femmes dans le sport international serait-il sujet à débat ? Qui est vraiment ciblé par ces tests ? Depuis quand existent-ils ? Et pourquoi cette pratique est-elle, plus que jamais, remise en cause dans les milieux sportifs ?
Avec Anaïs Bohuon, professeure des Universités en sociologie et histoire du sport à la Faculté des Sciences du Sport de l’Université Paris-Saclay.
Le règlement de la fédération international d’athlétisme a pu imposer une hormonothérapie à des athlètes, et vise à réguler des taux hormonaux qui pourtant sont des taux naturels. Ce n’est pas du tout une question de dopage. Anaïs Bohuon
Une émission préparée par Lucas Lazo et Nicolas Szende.