« Joe Biden et l’Amérique Latine », IRIS, 3/02/21

Conférence à l'IRIS, le 3.02.21

« États-Unis/Amérique Latine : quelles perspectives après l’élection de Joe Biden ? » : tel était le titre de la conférence à distance organisée par l’IRIS, le 3 février 2021 et à laquelle j’ai eu le plaisir de participer.

J’ai privilégié trois points :

1) Biden a fait le choix, depuis sa campagne et cela se vérifie dans les 1e annonces, d’un agenda politique et géopolitique, et d’une gouvernance qui prennent le contrepied de Trump

Mais autant Trump avait l’obsession de défaire l’héritage et de casser l’image d’Obama à des fins de division et de clivage, autant Biden vise au contraire à rassembler, à créer du consensus.

Néanmoins, Biden, c’est aussi une vision du monde dans laquelle « le leadership américain » est au premier plan, veut jouer le 1er rôle (« America leads the world », etc.). Donc il faut s’attendre à un multilatéralisme modéré. C’est un classique dans la politique étrangère américaine. Et cela sera le cas avec l’Amérique latine.

Restaurer une bonne image (en tout cas rompre avec la mauvaise image) des USA dans le monde, avec ses partenaires traditionnels. Mais sans complaisance : Biden défendra les intérêts des USA sur les plans économique, diplomatique, technologique, sanitaire, en termes de softpower. Ex : économie avec le Mexique, quid de l’AEUMC ? (nationalisme industriel ; réindustralisation des USA ; vers des tensions avec le Mexique ?)

Mais ce qui est sûr, c’est que l’obsession identitaire et sécuritaire de son prédécesseur n’est plus de mise (le trumpisme est encore fort et influent néanmoins, dans l’Amérique qui craint de disparaître sur les plans de la démographie, de la culture, de la religion).

2) La priorité de l’administration Biden, c’est la Covid.

Mais d’une part, c’est aussi un sujet géopolitique.

Biden, d’autre part, n’oublie pas la politique étrangère, notamment parce que sa vision doit être cohérente, systémique avec ses objectifs de politique intérieure.

Et donc les dimensions d’empathie, de bienveillance, de réconciliation, très présentes dans ses discours, se retrouvent aujourd’hui dans les premiers décrets présidentiels, qui concernent aussi l’Amérique latine :

– Fin du mur (financé par des fonds exceptionnels du budget fédéral) : mur symbolique (stopper l’immigration mexicaine)

– Dreamers

– Réunir les enfants séparés de leurs parents (500 fin 2020) : poids des images (enfants dans des cages en verre) qui avaient beaucoup choqué aux USA

– Promesse d’une grande loi sur l’immigration (11 millions de clandestins) : enjeu économique, humanitaire. Ce ne sera pas facile car tout le monde est divisé (peut-être même plus les républicains que les démocrates, d’ailleurs)

Il est probable cependant qu’il y aura, comme avec Obama, une certaine fermeté vis-à-vis des prochains candidats à l’immigration illégale (ne pas être accusé de laxisme) : pays d’Amérique centrale en premier ligne.

Sur la drogue et la criminalité : s’attendre à de la fermeté (c’est aussi son histoire à Biden)

3) Troisième point, et c’est lié avec ce qui précède, Biden et les démocrates ne perdent pas de vue les prochaines échéances électorales (dans moins de 2 ans)

Or (même s’il faut se montrer prudent avec la sociologie électorale du scrutin de novembre dernier, encore à ce stade on manque de données), ces élections ont confirmé 1) que les électeurs et électrices latinos étaient un enjeu majeur pour chacun des partis, et 2) qu’il n’existait pas « d’électorat latino » type aux USA : hommes cubains de Miami / femmes portoricaines de Phoenix, jeunes dreamers, naturalisations

Réponse des républicains : élaborer un agenda susceptible de séduire cette nouvelle génération ? Non, nouvelles mesures pour rendre l’accès au vote plus difficile (vise d’abord les Noirs, cf. Géorgie, mais aussi certaines populations latinos)

J’intervenais avec Anthony Caubin, économiste au département Amérique latine de l’Agence française de développement (AFD), Luis de La Calle, économiste, ancien sous-secrétaire aux négociations commerciales internationales du ministère de l’économie du Mexique, ancien négociateur de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), et Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du programme Amérique latine / Caraïbe.

Conférence bientôt disponible sur YouTube.