Assaut du Capitole, armes à feu : menaces sur la démocratie américaine ? Nouvelle vidéo pour l’IRIS consacrée aux Etats-Unis, mise en ligne le 15 juin 2022.
Plusieurs centaines de fusillades de masse se produisent chaque année aux États-Unis. En 2021, il y en a eu près de 700, soit quasiment deux par jour. Celles à motivation ouvertement raciste, ou touchant des institutions scolaires sont particulièrement médiatisées. Les massacres de l’école Sandy Hook, à Newtown en 2012, et du lycée de Parkland, en Floride en 2018, et plus récemment celui de l’école d’Uvalde au Texas et celui survenu dans un supermarché au sein d’un quartier noir de Buffalo, dans l’État de New York, ont beaucoup choqué.
Le Congrès fédéral américain n’a toujours pas voté de loi significative pour restreindre le libre port d’armes et notamment interdire les fusils d’assaut. Si plusieurs États fédérés ont durci ou envisagent de durcir leur propre législation, d’autres, aux mains des républicains, ne changeront rien. Vingt millions d’armes à feu ont été vendues aux États-Unis en 2021, après l’année record de 2020 avec près de vingt-trois millions. Un business florissant.
Une majorité d’Américaines et d’Américains soutient cependant des mesures plus restrictives, comme les « background checks » (contrôles des antécédents judiciaires ou psychiatriques des acheteurs potentiels), ou des dispositifs de « red flags » (drapeaux rouges) permettant aux proches de signaler aux autorités la dangerosité d’un individu afin qu’il se voie retirer les armes à feu en sa possession. Du côté des pro-armes, les mêmes mots reviennent pour qualifier les tueurs : « malade mental », « individu isolé », « fanatique de jeux vidéo », « le diable », or « on ne peut pas légiférer contre le Mal ». Il s’agit, en d’autres termes, de dépolitiser un sujet dont ils n’ignorent pas la dimension hautement politique.
Plus de 90 % des fusillades de masse dans le pays sont perpétrées par des hommes. Si c’étaient des femmes, le débat public questionnerait l’enjeu de genre mais ce n’est pas le cas, comme si cette violence masculine était normale. Les tueurs de masse ont très souvent un passif de violence conjugale ou familiale. Ils font montre, dans des lettres ou des messages laissés sur Internet, d’une frustration et d’une colère qui n’ont trouvé à s’exprimer que dans les coups et les meurtres. La masculinité toxique n’est pas une spécificité des États-Unis mais elle y est indissociable de la très grande disponibilité des pistolets et fusils, au cœur d’une guerre culturelle imposée par une droite, pour une pas dire une extrême droite nostalgique d’un âge d’or mythifié de l’Amérique, galvanisée par les années Trump et fétichiste des armes à feu.
L’« auto-défense » contre des « ennemis » fantasmés et qu’il faut contrôler, et la volonté de revanche contre une société dont les normes traditionnelles s’effritent et qui est donc perçue comme insécure figurent toujours parmi les motivations des tueurs de masse. De leur côté, les pouvoirs publics, pour prendre ces sujets à bras le corps, gagneraient à s’appuyer sur les travaux des sciences sociales qui ont bien identifié la dimension fortement genrée de cette violence.