Le 21 avril 2023, j’étai invitée dans l’émission « C dans l’air » pour débattre des questions de démographie dans la géopolitique actuelle. Nous avons parlé des Etats-Unis, de l’Italie et de l’Inde.
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En baisse depuis plusieurs années, l’espérance de vie est désormais en chute libre aux États-Unis. En 2021, elle s’établissait à 76,1 ans, soit presque 3 ans de moins en 2 ans, du jamais vu depuis le début des années 1920. Et la crise du Covid-19 qui a laissé derrière elle plus d’un million de décès n’explique pas tout…
Alors pourquoi les Américains meurent-ils de plus en plus jeunes ? Avant même le début de la crise sanitaire, la population américaine souffrait d’un état de santé favorable à la contraction de formes graves du Covid-19 : obésité, diabète, hypertension, à quoi s’ajoute l’absence d’un système de protection sociale généralisé et un accès aux soins de santé très coûteux. Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte pour comprendre cette situation. En 2021, 24.000 homicides ont été commis aux États-Unis. Près de 110.000 morts par overdose ont également été recensés. Un fléau dû en partie à l’explosion des anti-douleurs et des opioïdes comme le fentanyl. Sans parler des maladies cardiovasculaires, dont la forte hausse trouve son explication dans la détérioration des pratiques alimentaires et sportives et dans la sédentarité, notamment chez les adultes de moins de 50 ans.
Résultat : les démographes parlent d’une détérioration « effrayante » de l’espérance de vie des Américains, qui creuse l’écart avec les autres pays occidentaux, et passe même pour la première fois derrière celle de la Chine. Pour autant, ces pays ne sont pas sans connaître des problèmes démographiques.
Dans l’UE, si en 2021, l’espérance de vie moyenne était de 80,1 ans et l’espérance de vie en bonne santé était à 64 ans, selon Eurostat, la question du vieillissement de la population s’impose dans les débats sur le Vieux Continent, notamment en Italie. Sous l’effet d’une chute constante des naissances depuis quinze ans et d’une émigration des jeunes, la Péninsule vieillit fortement : l’an passé, 22,3 % de la population avait déjà plus de 65 ans, d’après Eurostat, soit le plus haut niveau de l’UE et les résidents italiens nés en 1938 sont aujourd’hui plus nombreux que ceux venus au monde en 2018, selon l’Institut national de statistique italien (Istat). Un vieillissement accéléré de la population qui a de graves conséquences économiques et sociales, et qui relance le débat sur l’immigration en Italie. Alors que d’autres pays comme l’Allemagne ont décidé de s’assumer pleinement comme « pays d’immigration » pour faire face aux besoins en matière d’emploi. Même la Hongrie du très nationaliste Viktor Orban a décidé depuis quelques mois d’ouvrir discrètement les portes de son pays à des milliers de « travailleurs invités » venus d’Asie pour faire face au manque de main-d’œuvre.
La Chine, de son côté, a également surpris le monde en publiant en janvier dernier des chiffres-chocs sur sa population : 10,41 millions de décès en 2022 et 9,56 millions de naissances, pour une population de 1,412 milliard, soit une diminution en un an de 850 000 personnes. L’Empire du Milieu a ainsi amorcé la durable baisse de sa population, après un pic survenu en 2021, plus vite qu’attendu et devrait se voir ravir par l’Inde le titre de pays.
Nos experts :
– Marie-Cécile NAVES, Politologue, directrice de recherche à l’IRIS et spécialiste des États-Unis
– Hervé LE BRAS, Démographe, directeur d’études à l’EHESS et auteur de “L’Atlas des inégalités”
– Dominique SEUX, Directeur délégué de la rédaction des « Echos »
– Sylvie MATELLY, Économiste-Directrice adjointe de l’IRIS et auteure de « Géopolitique de l’économie »