Le 16 décembre 2023, j’étais invitée dans l’émission « Géopolitique » sur RFI, sur le sujet suivant : « Les icônes de la pop culture sont-elles des actrices géopolitiques ? ». Nous avons parlé de féminisme et de softpower autour des industries et des grandes figures du divertissement.
L’émission est à écouter en cliquant ici.
La chanteuse Taylor Swift est considérée par le Time Magazine comme la personnalité la plus influente de l’année 2023. Lors des élections de 2018 aux États-Unis, un seul mot de sa part a poussé près de 250 000 jeunes citoyens américains à s’inscrire sur les listes électorales. Son rôle dans la participation aux présidentielles de 2024 est d’ores et déjà scruté, alors qu’elle s’est récemment déclarée Démocrate.
D’autres icônes de la culture populaire font également l’objet d’études dans l’Enseignement supérieur à cause de leur influence et du fan activism qui en découle. L’année dernière (2022), l’ENS organisait par exemple un séminaire de quatre mois autour de Beyoncé.
Comment pèsent-elles sur la politique de leur pays ? Où se placent-elles sur la scène internationale ? Sont-elles des instruments de soft-power ou des acteurs géopolitiques à part entière ?
Nous en discutons avec nos trois invitées : Jennifer Padjemi, journaliste, autrice de « Féminisme et pop-culture » (Stock) ; Marie-Cécile Naves, politologue, spécialiste des États-Unis, des questions de genre et de féminisme comme objet politique,et Dimitra Laurence Larochelle, maîtresse de conférences en Sciences de l’information et de la communication.
Extrait de l’introduction de « Géopolitique des féminismes » :
À l’échelle du monde comme des États, les féminismes sont pluriels. Les aborder sous l’angle géopolitique permet de mettre au jour la circulation des combats et des mobilisations pour l’égalité et pour les droits, qui, en de nombreux endroits de la planète, n’existent toujours pas et qui, là où on les pense acquis, ne le sont jamais. Les féminismes ont une géographie, vaste et mouvante ; elle n’est pas figée. Capables d’une extrême inventivité, ils s’influencent les uns les autres.
Il demeure des spécificités nationales ou régionales mais on ne peut pas parler de centre et de périphéries féministes dans le monde. Il ne faut céder ni à l’ethnocentrisme, ni au relativisme culturels. Ainsi, #MeToo ne vient pas de nulle part. S’il est né dans l’Amérique de Donald Trump dans la continuité du scandale Weinstein, il doit beaucoup à des mouvements de femmes venus d’autres continents : des printemps arabes de 2011 aux manifestations des Argentines en 2016, en passant par la révolte contre des viols collectifs en Inde en 2012 : il y a eu des #MeToo avant #MeToo.
Les féminismes ont donc aussi une histoire, plus ou moins récente selon les régions et plus ou moins ancrée dans les structures sociales, les cultures, les lois. De plus en plus médiatisés, leur influence s’accroît. C’est pour cela aussi qu’ils occasionnent des résistances : on ne peut pas parler de féminisme sans évoquer l’antiféminisme. Du refus de perdre des privilèges à la haine des femmes, le patriarcat n’entend pas céder de terrain face à des dynamiques qui, de génération en génération, font des revendications féministes un projet politique global.