Le 12 février 2024, j’étais interviewée dans les quotidiens du groupe Centre France, dont « La Montagne », sur la campagne de Joe Biden.
Je reporte ici ma chronique parue dans « L’Obs » sur le même sujet :
Si l’actualité est marquée par les primaires du Parti républicain et le plébiscite en faveur de Donald Trump, le camp démocrate ne reste pas les bras croisés. Le président-candidat Joe Biden a durci le ton contre celui qui est, à ce stade, son probable adversaire et promis une première série de mesures concrètes pour son deuxième mandat.
Un signe qui ne trompe pas : plusieurs stratèges de l’équipe du président travaillent désormais pour sa campagne. Il semble donc que Biden ait suivi le conseil de Barack Obama : mettre ses conseillers et conseillères clés à la Maison-Blanche au service de sa réélection. Après l’annonce du départ de John Kerry de son poste d’émissaire pour le climat pour rejoindre le staff de campagne, c’est au tour de Jennifer O’Malley Dillon, sa directrice de cabinet adjointe, et de Mike Donilon, un autre proche collaborateur : ils prennent la main sur la campagne de Biden depuis le Delaware.
Concernant l’agenda, le droit à l’avortement, et plus globalement à la santé gynécologique, est particulièrement ciblé. A l’occasion du 51eanniversaire de l’arrêt Roe v. Wade de la Cour suprême (renversé en juin 2022 par l’arrêt Dobbs), le tandem Joe Biden-Kamala Harris a annoncé vouloir simplifier l’accès à la contraception, ainsi qu’à l’avortement d’urgence.
Ils ont rappelé que l’Etat fédéral pouvait contraindre les hôpitaux à prodiguer une interruption volontaire de grossesse (IVG) en urgence dans l’ensemble des Etats-Unis – une mesure législative que la Cour suprême doit examiner cette année, après que l’Idaho l’a interdit sur son territoire.
Biden a également promis de faire en sorte de lever les obstacles bureaucratiques à son application et annoncé une plus grande disponibilité de contraceptifs gratuits dans le cadre de l’Obamacare. Plus globalement, la fin du droit constitutionnel à l’avortement a, dans de nombreux Etats, conduit au refus de soins gynécologiques tout court.
Déjà enjeu majeur de tous les scrutins depuis l’arrêt Dobbs (référendums, élections locales, « midterms » de novembre 2022), l’avortement devrait l’être aussi en 2024 et les démocrates font tout pour amplifier la donne. Les républicains ne semblent pas avoir compris le message, à l’exception de Donald Trump qui les appelle à modérer leurs velléités d’aller encore plus loin que Dobbs – ils promettent une loi fédérale restrictive, alors que l’arrêt de la Cour suprême de 2022 laisse aux Etats fédérés la liberté de décider.
Ce qui n’empêche pas Biden et Harris de rappeler que Trump demeure particulièrement fier d’avoir permis, par la nomination de trois juges ultraconservateurs, de faire tomber Roe et de mettre en garde contre le risque accru de nouvelles restrictions dont les femmes seront victimes si les républicains prennent la Maison-Blanche (et le Sénat).
Mais le récit politique n’est plus seulement relatif aux droits des femmes, même s’il le demeure ; il est devenu, aussi, celui des libertés individuelles. Ce qui signifie en substance que d’autres droits pourraient être menacés. Une telle offensive s’inscrit dans la ligne directe du discours, fort, que Biden a donné début janvier à l’occasion du troisième anniversaire de l’insurrection du Capitole par les partisans de Trump.
Accusé de laxisme sur ce sujet par la droite, Biden entend par ailleurs durcir sa politique migratoire et sécuriser davantage l’une des frontières avec le Mexique, submergée par l’arrivée d’hommes et de femmes issus d’une dizaine de pays d’Amérique latine.
Le Sénat pourrait prochainement passer une loi bipartisane sur l’immigration, qui permettrait aux autorités fédérales d’expulser systématiquement les demandeurs d’asile jusqu’à ce que les arrivées à cette frontière diminuent drastiquement – elles ont atteint jusqu’à 10 000 personnes par jour en décembre 2023, un niveau ingérable. Les exilés obtiendraient par ailleurs la réponse à leur demande d’asile en six mois, alors qu’aujourd’hui il faut des années. Les exigences pour voir satisfaite une première demande seraient en outre renforcées.
La partie n’est pas aisée pour Biden sur ce dossier, où il enregistre le plus bas taux de confiance dans l’opinion, car il doit répondre aux attentes d’un électorat modéré, sensible à l’augmentation de l’immigration illégale – et dont il aura besoin en novembre pour l’emporter –, sans se mettre à dos son aile gauche qui plaide pour des politiques moins restrictives en la matière. Il a choisi de montrer des signes de fermeté.
Enfin, sur le plan économique et social, le président a, le mois dernier, fait plusieurs annonces afin de faire baisser le prix, prohibitif, des médicaments pour les bénéficiaires de Medicare (une assurance santé publique ciblant les plus de 65 ans et les personnes handicapées). Il entend faire appliquer l’« Inflation Reduction Act », plan voté en 2022, et pénaliser les grandes entreprises pharmaceutiques qui ne jouent pas le jeu de la modération. D’autres mesures sont en préparation pour améliorer le pouvoir d’achat des classes moyennes et augmenter les impôts des très riches. Des propositions que Biden entend bien opposer à celles de Trump.