Le parti républicain n’est plus, voici le parti MAGA

Chronique pour "Le Nouvel Obs", le 20.07.24

PASSIONS AMERICAINES. Alors que Donald Trump a été officiellement désigné candidat des Républicains, son choix comme colistier de James D. Vance, contempteur d’une Amérique déclinante et décadente qu’il faudrait redresser par un pouvoir autoritaire et masculiniste, traduit son emprise totale sur le parti, devenu le parti MAGA (Make America Great Again). Chronique pour « Le Nouvel Obs », le 20 juillet 2024.

Le 17 juillet 2024, lors de la convention qui réunit les délégués républicains à Milwaukee, pour son premier discours en tant que colistier de Donald Trump (autrement dit son futur vice-président si le ticket qu’ils forment est élu en novembre), James D. Vance a annoncé la couleur : le fils héritier du trumpisme, c’est lui. Avec le zèle des convertis – lui qui, en 2016, qualifiait Trump de « Hitler américain » et qui l’adoube désormais –, le sénateur de l’Ohio reprend à son compte le récit d’une Amérique déclinante, décadente et gagnée par « le démon », qu’il faut redresser par un pouvoir autoritaire géré par des hommes forts (et blancs). L’autorité et la fermeté sont des mots d’ordre et la chanson « It’s A Man’s World » (« C’est un monde d’hommes ») résonne dans les haut-parleurs tandis que Trump déambule dans les allées, au milieu de la foule survoltée.

En principe, chaque convention, tous les quatre ans, vise à rassembler le parti, à surmonter les divisions, à trouver des consensus entre les différents courants. En réalité, on assiste cette année, davantage encore qu’en 2020, à un couronnement du roi. Un roi qui fait de plus en plus peur, qui humilie et qui subordonne ses sujets en promettant des postes à qui veut le croire. Un gourou qui, par ailleurs, ne tient pas compte de la diversité d’un électorat conservateur, lequel, il y a encore quelques semaines, votait à plus de 30 % pour Nikki Haley dans les primaires, même après qu’elle n’était plus candidate. Cette même Nikki Haley a, comme l’autre récent rival de Trump dans la course à la nomination, Ron DeSantis, appelé à soutenir Trump depuis Milwaukee.

L’unité… mais derrière Trump

Le premier jour de la convention, le 15 juillet, le leader historique des républicains au Sénat, Mitch McConnell, avait été bruyamment hué. Ce moment de gêne n’a rien d’anecdotique. McConnell, malgré tous les services qu’il a rendus à Trump et au trumpisme – au premier rang desquels le blocage de la nomination d’un neuvième juge à la Cour suprême par le Président Obama à l’automne 2016 –, était l’un des derniers filaments qui relie notre époque au parti « d’avant ». Car McConnell effectue vraisemblablement son ultime mandat de sénateur. George W. Bush, Liz Cheney, Mike Pence, Mitt Romney et Paul Ryan n’assistaient pas, pour leur part, à la convention de Milwaukee. La boucle est bouclée : le mouvement MAGA (Make America Great Again) a avalé le parti républicain. Celui-ci n’existe plus. Au Sénat, Vance a lancé l’offensive contre le conservatisme classique, reaganien dirait-on. Entré tardivement en politique après avoir a créé sa propre société de capital-risque, il est vu comme une girouette aujourd’hui trumpisée : il a été un temps favorable à l’augmentation des impôts pour les entreprises et adversaire de l’orthodoxie budgétaire, notamment concernant les déficits publics. Soldat fanatique de la guerre culturelle, doté d’un solide réseau dans l’écosystème de la droite nationaliste – think tanks, lobbies, donateurs –, il adhère au Projet 2025 du think tank ultra-conservateur Heritage Foundation. Un programme nationaliste, populiste, misogyne et martial, dont la méthode de la vengeance contre les adversaires politiques, la justice, l’État, les médias fait corps avec le trumpisme.

Ce dernier s’épanouit dans le contexte de polarisation politique, aujourd’hui au zénith, et dans la bulle des réseaux sociaux, qui ont ensemble donné naissance à un enfant monstrueux : le complotisme d’extrême droite. Le 13 juillet, Vance était du reste le premier à donner son interprétation de l’attentat qui a visé Trump, en Pennsylvanie : pour lui, c’est Biden le responsable et le coupable. L’adversaire politique est devenu l’ennemi. « Fight fight fight », c’est bien ainsi qu’il faut entendre les mots de Trump à terre, le poing levé, l’oreille en sang. Son choix de James D. Vance comme colistier montre que l’unité promise par l’ancien président après la tentative d’assassinat dont il a été victime n’a duré qu’une demi-journée. Elle est à comprendre, dans la bouche de Trump, comme « l’unité derrière moi ». C’est le parti MAGA.

Les MAGA

Vance est là pour consolider les acquis d’un vote masculin peu diplômé dans les trois États du Midwest qui avaient fait basculer l’élection en faveur de Trump en 2016, sans s’aliéner l’élite économique conservatrice. Il incarne aussi le pari selon lequel les républicains peuvent se passer de l’électorat féminin diplômé qui a largement contribué à leur défaite en 2020 et aux Midterms de 2018 et 2022. Vance, en d’autres termes, n’aidera pas à élargir la base électorale trumpiste. C’est là que ce choix interroge : soit Trump est sûr de gagner sans cela, soit il compte sur Vance, qui affirme qu’il n’aurait pas certifié le résultat des urnes en janvier 2021 s’il avait été en fonction, pour l’aider à contester le résultat au cas où il perdrait une nouvelle fois. Au moins, le message est clair : avec le ticket Trump-Vance, l’État de droit devra plier.