Le 13 septembre 2024, j’étais sur le plateau de l’émission « Actuelles », sur France 24, présentée par Laure Manent. Le sujet était : « Kamala Harris, la femme politique qui dérange la manosphère ».
Aux États-Unis, elle incarne le changement : Kamala Harris est une femme, noire et indienne, fille de migrants… Symbole d’espoir pour les un·es, elle est une menace pour l’establishment politique WASP des États-Unis pour d’autres. Les critiques vont bon train, en particulier sur internet et les réseaux sociaux où l’anonymat donne des ailes aux plus timides, y compris chez ces « masculinistes » qui forment le noyau dur des électeurs fidèles à Donald Trump, l’homme qui aimait se présenter en « mâle alpha » lors de la campagne présidentielle qui l’a mené au pouvoir en 2017.
Lors du débat du 10 septembre, le premier qui l’a opposé à la candidate démocrate, Donald Trump a régulièrement ignoré Kamala Harris, ne la désignant pas par son nom, parlant de « her boss » (son patron) pour évoquer Joe Biden et évitant de la regarder dans les yeux. Pour la politiste Marie-Cécile Naves, directrice de l’Observatoire genre et géopolitique à l’IRIS, c’est autant par stratégie électorale que parce qu’il est profondément misogyne et a, réellement, du mal à supporter l’idée d’être confronté à une femme. Ce comportement – qui ne semble pas avoir eu l’effet escompté puisque Kamala Harris a été considérée comme la vainqueuse de ce débat – se retrouve dans les critiques à l’encontre de la magistrate et candidate, confrontée à des commentaires violents en ligne.
« En 2020, nos recherches ont montré que les femmes en politique recevaient trois fois plus d’injures sur une plateforme comme Twitter que les hommes et que les menaces et les injures qu’elles recevaient étaient de nature différente, et étaient souvent à caractère sexuel, se concentraient régulièrement sur leur physique et cherchaient à mettre en cause leurs compétences », explique Cécile Simmons, chercheuse à l’Institut pour le dialogue stratégique à Londres. « À travers ces contenus, on cherche à leur refuser de prendre part à la vie publique et à la vie politique », développe-t-elle. Le rachat par Elon Musk de Twitter, depuis rebaptisé X, a eu pour effet d’encourager ces pratiques et ces comptes, d’autant que les outils d’analyse des publications sur les réseaux sociaux, utilisées jusqu’à présent par les chercheur·euses, sont beaucoup moins accessibles aujourd’hui. L’outil CrowdTangle sur Meta, maison-mère de Facebook, a disparu en août 2024, à quelques mois de l’élection présidentielle américaine, alors que le scandale Cambridge Analytica avait ébranlé les plateformes et montré comment la manipulation de données personnelles sur les réseaux sociaux pouvait influer sur le résultat d’une élection.