TRIBUNE. Le sport, un soft power sous-estimé

Tribune publiée dans le "Huffington Post" et dans la revue 35 du Think tank Sport et Citoyenneté

Les influences économiques, politiques et sociétales dont le sport peut se prévaloir sont encore sous-estimées. C’est particulièrement le cas en France où il est, aux yeux de nombreux responsables politiques comme d’une grande partie du mouvement sportif, difficile d’envisager le sport « hors du sport ».

Pas plus que d’autres secteurs, il n’est épargné par le racisme, le sexisme, l’homophobie et les autres formes d’intolérance. Précisément, ce serait une erreur que de l’idéaliser, comme cela arrive encore souvent. Néanmoins, il lui arrive de véhiculer les valeurs d’humanisme, d’égalité ou de solidarité: ce pouvoir, immense, qui est le sien devrait pouvoir être mis plus systématiquement au service de l’action politique.

Dans un pays comme les Etats-Unis où le poids du sport dans les médias et le quotidien des individus est considérable, les situations se multiplient où de grandes organisations sportives affichent leur combat contre les discriminations. Prenons deux exemples récents. En 2014, la Ligue professionnelle de football a menacé la gouverneure d’Arizona de ne plus organiser, comme prévu, la finale du Super Bowl à Phoenix si elle n’apposait pas son veto à une loi homophobe de l’État, toute juste votée. Celle-ci consistait à permettre aux commerçants de refuser de vendre un bien ou un service à des personnes homosexuelles, au nom de la liberté religieuse. La pression exercée par la Ligue de football, à laquelle s’est ajoutée celle de grandes entreprises implantées en Arizona, a eu raison de la loi incriminée. En 2015, des projets législatifs semblables ont vu le jour dans l’Indiana et l’Arkansas, et la même opposition s’est exprimée, notamment, de la part de la National Collegiate Athletic Association qui organise les compétitions sportives universitaires. Les deux gouverneurs ont fini par refuser de signer les textes en l’état.

Cette année, la Caroline du Nord a voté des mesures qui, notamment, imposent à tous l’utilisation des toilettes publiques (notamment dans les universités) selon « l’identité sexuelle de naissance ». Le rockeur Bruce Springsteen a annulé un concert prévu en Caroline du Nord pour montrer sa désapprobation vis-à-vis de ce texte qui vise les personnes transgenres, et plus de 120 entreprises ont écrit au gouverneur afin qu’il l’abroge. Ce dernier s’est contenté d’y apporter des corrections. Insuffisant, selon la National Basketball Association (NBA) qui a menacé de revenir sur sa décision d’organiser le prochain week-end NBA All-Star en Caroline du Nord, en 2017. « Nous rappelons notre engagement en faveur de principes qui nous sont chers comme l’intégration, le respect mutuel et la même protection pour tous. Nous rejetons les politiques discriminatoires », a-t-elle fait savoir. Un point de vue partagé par l’ancien basketteur Michael Jordan, propriétaire du club de Charlotte Hornets, situé dans l’État.

L’impact de telles déclarations émanant de la Ligue professionnelle de football ou de la NBA ne se résume pas aux retombées économiques dont l’Arizona ou la Caroline du Nord pourraient ou auraient pu se priver.
Quand les grands médias relaient, dans tous le pays, ces prises de position contre les discriminations, le symbole est considérable. Dans le sport aussi, les mots sont politiques.