La visite officielle de Trump à Paris (interview)

INTERVIEW POUR "20 MINUTES"

960x614_emmanuel-macron-et-donald-trump-au-g20-le-7-juillet-2017-christian-charisius-dpa-via-apTrump à Paris: Quand le président des Etats-Unis balance sur les Français

Parlez-vous le langage diplomatique ? Ce discours politique s’inscrit dans un cadre formel où les codes restent aussi précis qu’unanimement respectés. Enfin presque. Depuis sa campagne présidentielle puis sa prise de fonction fin janvier, Donald Trump s’est illustré par des déclarations aussi fracassantes qu’imprévisibles, raffolant du réseau social Twitter pour balancer des scuds. Et la France, que le président et son épouse visitent pour deux jours à l’occasion de la commémoration de l’entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale, ne fait pas exception.

« La France à nouveau à cran. Soyez vigilants USA »

En déroulant la série des commentaires du 45e président des Etats-Unis sur Twitter, on remarque que deux semaines après son investiture, le 3 février, Donald Trump réagit à l’attaque au Carrousel du Louvre à Paris. Appelant ses concitoyens à la prudence, il souligne que la France est « encore à cran ». « Un nouveau terroriste islamiste radical vient d’attaquer le musée du Louvre à Paris. Des touristes ont été enfermés. La France à nouveau à cran. Soyez vigilants USA », écrit-il sur Twitter.

 

Trois semaines plus tard, le 24 février, le président raconte une anecdote à propos d’un ami, « Jim », lors de la conférence annuelle des conservateurs américains à Washington. Cet ami lui aurait dit : « Je ne vais plus [à Paris]. Paris n’est plus Paris. » Sauf que le « Jim » de Donald Trump pourrait n’être qu’un ami imaginaire.

Jim, l’ami imaginaire de Donald Trump

L’agence Associated Press rapporte en effet ce jeudi que l’identité de ce Jim reste un mystère, car ni Donald Trump ni la Maison-Blanche n’ont répondu aux journalistes demandant l’identité de l’homme. Une enquête du New Yorker, en mars, a aussi fait chou blanc. Selon la chercheuse associée à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) Marie-Cécile Naves, cette anecdote pourrait être tout bonnement fausse, le chef de l’Etat ayant par le passé donné quelques « fausses nouvelles » ou « faits alternatifs ».

Le commentaire sur la France qui « n’est plus la France » en rappelle d’autres. Ainsi, en février 2016, Donald Trump évoque auprès de l’hebdo français Valeurs actuelles : « Malheureusement la France n’est plus ce qu’elle était, et Paris non plus. »

Critique de l’interdiction des armes et de la police française

Autre axe de critiques récurrentes : le contrôle des armes à feu en France et la police française. Ses commentaires après les attaques de janvier et novembre 2015 ont été décriés. Après l’attaque à Charlie Hebdo, Donald Trump écrit une série de tweets critiquant l’interdiction française : « Souvenez-vous que lorsque les armes sont interdites, seuls les hors-la-loi auront des fusils ! » Puis, après l’attaque de l’Hyper Cacher, il raille les forces de l’ordre françaises : « La police française a peur d’aller dans certaines communautés. Comment la France a laissé ceci se produire, et comment la terroriste [Hayat Boumeddiene] a-t-elle pu s’échapper ? »

 

« Caractère imprévisible » du président des Etats-Unis

Critiques réfléchies ou à l’emporte-pièce ? Alors en campagne pour la présidentielle, Donald Trump avait exprimé des regrets sur la brutalité de ses propos lors d’un meeting le 18 août 2016 à Charlotte, en Caroline du Nord. « Parfois, dans le feu de l’action dans un débat ou en s’exprimant sur une multitude de sujets, on ne choisit pas les bons mots ou on dit la mauvaise chose. Cela m’est arrivé (…) Et croyez-le ou non, je le regrette », avait ainsi lancé le candidat républicain. Un commentaire diversement analysé par les observateurs, certains pensant à un coup de communication.

Pour Nicholas Dungan, directeur de recherche à l’Iris, le président des Etats-Unis se caractérise par « une personnalité problématique, imprévisible, incapable de contrôle de soi ». Pour ce spécialiste de la relation transatlantique, « Donald Trump suit très attentivement la presse et aime bien le spectacle », laissant ainsi libre cours à des coups de colère passagers et dévastateurs.

« Les diplomaties françaises et américaines travaillent depuis longtemps ensemble »

Un caractère « imprévisible » également souligné par la politologue et spécialiste des Etats-Unis Marie-Cécile Naves, qui estime qu’avec Donald Trump « le dernier à lui avoir parlé a souvent raison ». Et que la visite du couple américain à Paris, si elle se déroule bien,ne présage pas du futur. « Si cette visite se passe bien, cela n’empêchera pas ce président imprévisible de lâcher dans quelques semaines une petite bombe sur Twitter [à l’intention des Français] », juge-t-elle.

Un éventuel dérapage que la chercheuse nuance cependant : « Les diplomaties françaises et américaines travaillent depuis longtemps ensemble et Trump n’a que très peu changé le personnel diplomatique. Ces administrations ont de bons rapports, et ce, depuis longtemps. »

Article publié sur le site de « 20 Minutes », le 13/07/17.

(Photo : Christian Charisius/AP/SIPA)