L’Islam, synecdoque préférée des anti-multiculturalistes

Partout en Occident, il est désormais à la mode de critiquer le multiculturalisme, autrement dit les politiques qui, souvent par pragmatisme et souci d’efficacité, prennent en compte la diversité culturelle, religieuse ou « ethnique » dans leurs principes et leurs réalisations. Or « prendre en compte » ne signifie pas pour autant « valoriser » ou « promouvoir », et n’a a priori rien à voir avec le communautarisme (lequel consiste à faire passer les traditions ou les croyances de certains groupes avant les règles communes, au premier rang desquelles, la loi). Néanmoins, dans la bouche de certains, la confusion existe, voire est recherchée.

Le quotidien britannique The Gardian relate dans son édition du 10 février que Marine Le Pen a félicité David Cameron pour ses propos de la semaine passée relatifs au multiculturalisme, qui aurait selon lui échoué en Grande-Bretagne. Loin d’être anodine, la position de la présidente du Front National est révélatrice : le Premier Ministre conservateur a aussi (surtout) parlé de l’Islam. Celui-ci serait problématique en ce qu’il refuserait les valeurs occidentales et britanniques, notamment parce que celles-ci auraient été fragilisées (comprendre : par l’anti-racisme, l’obsession anti-coloniale, la passion égalitaire, etc.).

Conséquence : la séparation des cultures, modèle anglo-saxon du salad-bowl, que ne semble pas goûter D. Cameron. Ainsi, dit-il, « certains jeunes musulmans se retrouvent sans racines, ils trouvent difficile de s’identifier à la Grande-Bretagne parce que nous avons laissé son identité collective s’affaiblir ». C’est « leur quête d’appartenance [qui] peut les conduire à [l’]extrémisme idéologique », à savoir : l’islamisme.

En un tour de passe-passe rhétorique (et éculé), voilà comment on incite l’opinion à confondre Islam et islamisme. De facto, et sans surprise, D. Cameron a été défendu avec enthousiasme par la British Defence League, le principal parti d’extrême droite outre-Manche, avant que de l’être par notre « chère » Marine Le Pen. Certes, à Londres, le traumatisme du 7 juillet 2005 est encore vif : les attentats perpétrés dans le métro étaient le fait d’extrémistes nés et diplômés au Royaume-Uni. Certes, la liberté religieuse est allée très loin dans ce pays et on l’a mentionné (et critiqué) sur ce blog.

Nonobstant, on va au plus pressé en choisissant les amalgames. Il faut répéter que c’est aux extrémistes de tous bords que cela profite, autrement dit aux promoteurs de l’identité « blanche » et/ou chrétienne comme aux islamistes qui voient dans les mots de D. Cameron – ou d’A. Merkel en octobre dernier – une légitimité à leur haine de l’Occident et à leur violence. Ils se sentent victimisés.

Le monde est beaucoup plus complexe que certains politiciens ne semblent, hélas, le penser.