De l’essentialisation de l’identité humaine. L’Église catholique refuse le concept de genre

Le Figaro nous apprend que les autorités catholiques françaises montent au créneau contre les nouveaux manuels de Sciences de la Vie et de la Terre destinés aux lycéens. Les associations familiales catholiques (par ailleurs hostiles, par principe, à toute information sexuelle à l’école) ont envoyé une lettre à Luc Châtel et lancé une pétition. La raison : les ouvrages en question ne parlent plus de différence sexuée entre les hommes et les femmes mais de différence de genre.

Effectivement, ça change tout. Et c’est tant mieux ! Enfin, l’École se résout à définir les êtres humains comme les produits d’une construction sociale, y compris dans leur identité corporelle et jusque dans leur sexualité. L’histoire, la sociologie, la science politique, l’anthropologie et le droit l’ont maintes fois démontré : les hommes et les femmes sont avant tout des êtres de culture. C’est tellement évident qu’on s’étonne que certains le refusent.

Et pourtant… Il est tellement commode d’assigner les individus à leur seule dimension biologique : cela permet de figer les identités, de définir une fois pour toutes la place de chacun dans une société qui n’avance pas et reste prisonnière de préjugés rétrogrades, profondément liberticides et inégalitaires. La nature (comprendre : l’identité, la fonction) des femmes : enfanter. Point. Celle des hommes ? Sur le plan sexuel, il paraît que ceux-ci ont des « besoins » supérieurs à ceux des femmes. Cela explique sans doute pourquoi on n’entend pas les autorités religieuses dans la dénonciation actuelle sur la phallocratie inhérente au monde politique. Sans doute que, pour elles, c’est « dans la nature » des hommes de conquérir les femmes, au risque de les bousculer un petit peu. Après tout, cela dure depuis des millénaires et puis il n’y a pas « mort d’homme », surtout si (puisque) elles les ont aguichés (les hommes). La tolérance du viol incombe en grande partie aux religions monothéistes et aux traces qu’elles ont laissées dans les sociétés occidentales. L’Église ferait mieux de s’interroger là-dessus plutôt que de s’émouvoir qu’on dise aux adolescents qu’on ne naît pas homme ou femme mais qu’on le devient…

Second problème avec les manuels scolaires : l’Église tremble à l’idée que l’homosexualité devienne normale (dans les deux acceptions du terme). L’argument se veut imparable… Ainsi, le manuel de S.V.T. édité par Bordas indique que « si dans un groupe social, il existe une très forte valorisation du couple hétérosexuel et une forte homophobie, la probabilité est grande que la majorité des jeunes apprennent des scénarios hétérosexuels ». Eh bien, ça non plus, ça ne passe pas ! Or c’est non seulement le bon sens mais la conclusion d’innombrables études scientifiques de sciences sociales.

Selon les responsables de l’enseignement catholique français, « on naît fille ou garçon, on n’est pas un être indifférencié sexuellement à la naissance. Ce n’est pas rendre service à des jeunes de leur dire que tous les possibles sont équivalents ». Donc hommes et femmes ne sont pas « équivalents » ? Révélateur… Au contraire : c’est justement rendre service aux adolescents que de leur dire qu’à condition de respecter la loi, c’est leur droit le plus strict d’avoir la sexualité, et même le genre qu’ils souhaitent.

Néanmoins, pour un professeur du lycée catholique Stanislas à Paris, « la prime à l’indifférenciation sexuelle promeut en fait l’homosexualité. Ces théories sont une tête de pont pour un changement radical de société ». On a envie de rire mais il a raison sur un point : on va vers une société plus tolérante et respectueuse de l’orientation sexuelle de tous (encore une fois, dans le respect de la loi et non de dogmes moraux réactionnaires).

La société évolue. Le rôle de la religion, qui répète à longueur de temps que « Dieu est amour », n’est-il pas d’accompagner chacun sur le chemin qui le conduit à soi-même ? Il semblerait que non. Tant pis pour elle.