Depuis 40 ans, l’IVG demeure menacée aux États-Unis

Pour certains Américains, le 22 janvier dernier était un amer anniversaire : les 40 ans de la confirmation, par la Cour suprême, de la constitutionnalité de l’interruption volontaire de grossesse.

Dans son arrêt « Roe versus Wade », la haute Juridiction – composée à l’époque, il est intéressant de le rappeler, uniquement d’hommes – établissait le fait que l’avortement devait être autorisé au nom du respect de la vie privée, en référence au 14e amendement.

Ces dernières semaines, une petite polémique a eu lieu au sein de la communauté catholique américaine, certains de ses représentants s’étonnant que de nombreux militants « pro-life » aient pris grand soin de se taire dans le débat sur la limitation des armes à feu, voire qu’ils se soient ouvertement opposés à cette limitation.

Or, ce n’est paradoxal qu’en apparence : les « militants pour la vie » sont avant tout des défenseurs du patriarcat le plus archaïque, considérant que la femme n’est qu’un corps destiné à enfanter, et que le pouvoir (y compris celui de tuer) appartient à l’homme. Depuis les années 1970, les « pro-life » n’ont du reste pas hésité à assassiner des médecins pratiquant des avortements. Et beaucoup d’entre eux sont par ailleurs pour la peine de mort…

Les autorités catholiques à l’origine de la polémique en ont appelé notamment à John Boehner – speaker de la Chambre des représentants – et à Paul Ryan – ex-colistier malheureux de Mitt Romney -, qui sont deux élus républicains hostiles à l’avortement, et ont dit ceci : « nous acceptons les enseignements catholiques, qui promeuvent la sacralité de la vie, de la conception à la mort naturelle. Mais il est clair que la mort de 20 jeunes enfants et de 6 adultes à Newtown n’avait rien de naturel ». Il est sûr que le fait que les victimes soient surtout des enfants joue dans ce point de vue (les « pro-life » faisant l’amalgame entre un embryon, un fœtus et un enfant). Pour eux, la mort doit être « naturelle », comme l’existence des femmes doit être fondée sur la « biologie ». Ainsi, les autorités catholiques du Colorado ont affirmé il y a quelques jours vouloir infléchir la loi de l’État qui considère que les fœtus ne sont pas des personnes.

Toujours est-il que les leaders religieux qui ont pris position publiquement contre les armes à feu sont peu nombreux aux États-Unis, même si les protestants sont bien plus frileux que les catholiques sur l’interdiction des armes.

Selon un sondage récent réalisé par le Pew Research Center, 63 % des personnes interrogées sont favorables à la loi autorisant l’avortement. Mais 47 % estiment que l’IVG est « moralement » répréhensible.

Le 22 janvier dernier, la « marche pour la vie » a réuni à Washington des dizaines de milliers de manifestants. L’un de leurs arguments était que l’avortement est synonyme de « millions de vies perdues ». Sur Twitter, John Boehner évoquait, comme le pape Benoît XVI, la « culture de la vie », et la Tea Party Michelle Bachmann regrettait les « 55 millions d’individus non nés » (selon un calcul mystérieux établi par le Congrès) et estimait que « les femmes méritent mieux que l’avortement ». Faire des cookies pour leurs nombreux enfants non désirés, peut-être ?