La discrimination en option chez les Boy Scouts américains

L’évolution, dans les pays occidentaux, en faveur d’une plus grande égalité des droits entre hétérosexuels et homosexuels ne plaît pas à tout le monde. Les résistances au changement sont fortes et diversement motivées.

Outre le cas français, actuellement emblématique, nous pouvons tourner le regard vers les États-Unis, où le mariage gay fait aussi débat au niveau local comme national, quoiqu’il n’y soit pas le seul. Il y a quelques jours, les Boy Scouts of America ont annoncé que le refus d’accepter des jeunes garçons et des personnels encadrants « ouvertement homosexuels » n’allait plus, désormais, être érigé en règle : les délégations locales de l’organisation auront la liberté de les intégrer ou de continuer à les exclure. Cette décision, cependant, doit encore être validée par le bureau exécutif national, mais la controverse est lancée.

La discrimination n’est plus obligatoire mais elle reste possible. Tel est le message envoyé… Or, comme le relève le New York Times, si la discrimination devient optionnelle, peut-elle demeurer un principe et une croyance fondamentaux, tels que réaffirmés en juin 2012 par les Boy Scouts of America themselves, toujours sur cette question de l’admission des homosexuels ?

Selon une mère de famille, qui refuse que son fils ait un instructeur gay, « le monde réel n’est pas si simple ». Certes. Mais est-ce une raison pour faire comme s’il n’existait pas ? De fait, c’est un bel exemple de déni car il s’agit d’exclure des personnes « ouvertement » gay, autrement dit, celles qui ont fait leur coming-out et… peut-être aussi, sans le dire, celles qui se voient assigner cette orientation sexuelle par un ensemble de préjugés sur leur apparence ou leur comportement (« cela se voit bien ! »). Rappelons qu’il s’agit des adultes mais aussi des adolescents…

C’est au nom de la liberté d’association (1er amendement de la Constitution) que la Cour suprême avait, en 2000, validé l’exclusion, pour homosexualité affichée, d’un employé des Boy Scouts du New Jersey, et ce, alors qu’une loi anti-discrimination existe dans l’État. La Haute juridiction avait estimé qu’avoir un employé ouvertement gay pouvait être interprété comme une légitimation, par les Boy Scouts, de l’homosexualité, ce à quoi on ne pouvait les obliger.

Car voilà que reparaît la toute-puissance de la liberté religieuse. Le lien entre les Boy Scouts et les églises est étroit et c’est bien là le problème : qu’est-ce qui doit prévaloir ? L’éducation des jeunes ou le rejet de l’homosexualité tel qu’il persiste dans le christianisme protestant et catholique ?

Beaucoup de croyants confondent orientation sexuelle et prosélytisme. Ils pensent que la présence de gays dans un groupe fait courir à tous ses membres le « risque » de « choisir » l’homosexualité (cet argument a par exemple été utilisé à propos des manuels de SVT en France).

Autre croyance, plus ou moins avouée mais fortement ancrée : qu’un homosexuel, enfant, adolescent mais plus encore adulte, a une sexualité incontrôlable et que donc le risque de viol ou d’agression sexuelle est immense. Bien sûr, le principe – indéfectible – de non mixité, chez les scouts, ne peut que renforcer cette peur. Et d’ailleurs, en quoi la ségrégation sexuelle se justifie-t-elle ?…

Certains redoutent une crispation, une radicalisation des positions des églises sur la question homosexuelle, si la décision des Boy Scouts of America est confirmée par son bureau exécutif. La question des subventions et des dons n’est pas non plus négligeable : si elle privilégie la tolérance et l’ouverture, l’organisation peut perdre des financements… ou en obtenir de nouveaux. De même, des familles retireront leurs enfants des scouts, mais d’autres adeptes pourront y faire leur entrée. En somme, les Boy Scouts américains sont face à un choix : celui d’aller dans le sens du progrès et de l’égalité ou celui de camper sur leurs positions archaïques et homophobes.