La pose choisie par l’ancien président, Donald Trump, pour sa première photo d’identité judiciaire (mug shot) est celle de la colère et de la menace. Le ressentiment comme projet politique. Billet sur mon blog de Mediapart, publié le 25 août 2023.
Le premier mug shot (photo d’identité judiciaire) de Donald Trump, à Atlanta, restera dans les annales et l’ancien président le sait pertinemment. C’est la raison pour laquelle il a très certainement travaillé la pose. Il apparaît comme étant en colère et déterminé, voire menaçant. C’est un regard de défi. À qui s’adresse-t-il ? Autant à son électorat (« Je n’ai peur de rien ») qu’à la justice (« Je ne me laisserai pas faire »). Cette photo va être déclinée en goodies : T shirts, casquettes, tasses à café, etc. Elle deviendra également un mème. Bad buzz, still buzz ? Autant en faire un good buzz.
Rapidement, il publie cette photo lui-même sur X (ex-Twitter), et l’on peut penser qu’il le fait pour trois raisons. La première est de nourrir l’impression, toujours, qu’il maîtrise le récit de ce qui lui arrive. Le 23 août, il avait également confirmé sa venue à Atlanta sur son réseau Truth Social. Ensuite, le message qui accompagne la photo est « never surrender », ce qui a deux sens : 1) ne jamais se rendre (or, il vient de le faire), 2) ne jamais abandonner. Enfin, il sait que ce tweet sera abondamment commenté puisque c’est le premier qu’il publie depuis janvier 2021, quand il a dû quitter le pouvoir. Le message a donc pour objectif de détourner l’attention de son arrestation : on parle du tweet et un peu moins de ses problèmes.
Trump, le brouhaha permanent
Depuis le début des poursuites judiciaires et des mises en examen dont il fait l’objet, la provocation est sa stratégie : il surfe abondamment sur les accusations qui le visent pour dénigrer la justice, clamer qu’il est innocent et qu’il est victime d’un complot pour l’empêcher de se représenter, alors qu’il est le « sauveur » d’une Amérique en déclin. Le feuilletonnage de ses ennuis avec la justice, qu’il s’efforce de contrôler, comme si on était dans une série, une fiction à épisodes et à suspense, le conduit à se présenter en héros vivant une épopée, voire en martyr. Du reste, il ne cesse de répéter, à l’adresse de son électorat : « en m’attaquant, c’est vous que l’on veut faire taire ; en me persécutant, c’est vous que la justice vise ».
Au final, on ne parle que de lui. Trump, c’est le brouhaha permanent.
Les calendriers politique et judiciaire vont se télescoper dès le début de l’année 2024, ce qui le sert auprès de sa base, laquelle se renforce au fil de ses déboires judiciaires (depuis sa première mise en examen, il a gagné 10 points dans les intentions de vote aux primaires du parti républicain, creusant ainsi l’écart avec son premier poursuivant, Ron DeSantis). Néanmoins, cela va lui coûter de l’argent et de l’énergie. C’est donc, pour lui, à double tranchant.
Le défi : élargir sa base électorale
L’autre problème, politique celui-ci, c’est qu’il doit élargir son électorat pour espérer l’emporter en novembre 2024. Les indépendants, les swing voters ne lui sont pas du tout acquis, bien au contraire. Ainsi, s’il est soutenu chez les sympathisants républicains pour l’élection générale, et si, bien entendu, le scrutin se joue État fédéré par État fédéré via la règle du collège électoral, il n’en reste pas moins que la part des Américaines et Américains qui disent aujourd’hui qu’elles et ils ne voteront jamais pour Donald Trump est de plus de 50 %, soit 10 points de plus que la part de celles et ceux qui disent ne jamais vouloir voter pour Joe Biden. Car il y a les affaires, bien sûr, mais aussi l’incapacité à regarder l’avenir, à avoir un projet de société autre que celui du ressentiment : Trump est resté bloqué sur l’élection perdue de 2020 (volée selon lui).
On le sait par ailleurs, depuis les Midterms de 2018 et en particulier à cause de Trump, le parti républicain a perdu énormément d’électrices. L’avortement étant bien parti pour être un sujet majeur de mobilisation en 2024, ce déficit d’adhésion chez les femmes est un lourd handicap pour le Grand Old Party.
L’échéance est encore lointaine et bien des choses peuvent arriver d’ici novembre 2024, chez les républicains comme chez les démocrates. Mais pour l’heure, Trump mise tout sur son image d’homme qui n’a peur de rien, pas même du droit, surtout pas de l’État de droit. Et cela aussi, c’est une promesse de campagne.